Moins d’une semaine après son arrivée à San Francisco, Satomi Matsuzaki rejoignait Deerhoof. Elle parlait fort mal anglais et n’avait jusqu’alors jamais joué d’un instrument.
Plus d’une dizaine d’années et quasiment autant d’albums plus tard, le groupe de Satomi et ses amis ne suscite plus que respect et unanimité.
Friend Opportunity, leur nouvel album, marque une avancée supplémentaire dans cette mutation pop entamée depuis quelques années. Comme pour prouver à leurs détracteurs que leur musique pouvait s’aventurer au-delà des territoires noises ou expérimentaux des débuts.
Au niveau des constructions, le fan retrouvera ses petits : approche déstructurée, carambolages de styles et collages improbables font toujours la loi. Pourtant Friend Opportunity diffère notablement de son prédécesseur The Runners Four de par sa durée : trente-six minutes au compteur seulement.
Caractérisés par la géniale "+81" et ses cuivres loufoques ainsi que "The Perfect Me", les premiers titres creusent le sillon de leur précédente réalisation : mélodies pop délurées, riffs ravageurs, percutions hypnotiques ... Plus loin, Deerhoof propose sa version de la pop technicolor beatlesienne époque "Sergent Pepper’s". Avec son lot de dingueries comme "Choco Fight" et son univers de série B sixties ou "The Galaxist", introduit par de surprenants arpèges de guitare.
Plus surprenante s’avère la deuxième face. Ambiance claviers cheaps dansante tout d’abord : "Kidz Are So Small" et ses paroles hilarantes ou encore "Cast Off Crown" marqué par un véritable tour de force de Greg Saunier aux percussions. Délicieux OVNI deerhoofien ensuite avec "Look Away", dernière plage occupant près d’un tiers du disque. Composé pour la bande son d’un film de Harry Smith, ce titre alterne subtilement motifs répétitifs, minimalistes et bruitistes évoquant tout aussi bien Stereolab que les fantômes de Slint ou Can.
Certes, Deerhoof lorgne désormais vers la pop, mais de manière totalement originale. En défrichant à la machette des contrées encore inexplorées. En créant de nouveaux univers à partir d’assemblages inédits et souvent rocambolesques de styles existants.
Au final, Friend Opportunity sonne comme un des disques les plus attachants de Deerhoof et certainement leur plus accessible à ce jour. L’introduction idéale au monde déjanté de ce trio californien. |