Après les avoirs découverts sur scène à l’occasion du tremplin Class’Eurock, organisé par l’association Aix’qui ; après avoir eu le plaisir d’écouter (et de chroniquer) leur premier EP, un autoproduit de bon augure (Where we fall, Shake my brain, mai 2007), j’avais hâte de pouvoir écrire tout le bien que je pensais de Kami sur scène.
Quelle meilleure occasion pour cela que leur prestation en première partie d’Eiffel le 4 mai dernier ? Leur "meilleur concert" à en croire le groupe, ravi d’avoir pu se produire devant un public nombreux de plus d’un millier de personnes. Malheureusement, ce concert-là, je l’ai raté… Séance de rattrapage samedi 2 juin, au plus modeste Balthazar, café-concert marseillais à la déco chic et un peu kitsch, comme il convient merveilleusement à ce genre d’endroit.
Il y a forcément quelque chose d’émouvant à assister aux débuts d’un groupe. D’autant plus émouvant, d’ailleurs, que l’on ne sait jamais si le groupe, justement, n’en restera pas aux débuts, mort-né étouffé dans ses propres balbutiements. Parfois, sans trop que l’on sache pourquoi, on se prend à y croire un peu plus, à se dire que ceux-là, peut-être, réussiront à faire (sur)vivre leur musique, à la porter sur scène pendant plusieurs années, à la faire grandir, mûrir.
C’est à ce genre débuts que j’ai la sensation d’assister ce samedi soir, lorsque je vois Kami sur la petite scène du Balthazar. Loin du public d’Eiffel, nombreux mais venu pour d’autres, Kami se bat, toutes cordes dehors, pour défendre son rock.
Kami est nu, bien nu, sur cette scène à peine surélevée, sous les éclairages fixes et maigres de deux projecteurs vieillissant et pas si bien orientés qu’on le souhaiterait ; sans la protection d’effets de fumée ou d’un son dont le volume suffirait à contenter les plus décibels-addict des spectateurs.
Et si Kami est nu, Kami se tient bien droit.
Le temps d’un set d’une demi-heure, le quatuor va se livrer au public, délivrant une prestation tendue et sincère. Tendue comme les mélodies du groupe, qui rappellent les compositions de Chokebore, Bloc Party ou Piano Magic, vacillant de la légèreté à l’explosion ; tendue comme les riffs et solos de guitare qu’enchaînent, courbés sur leurs instruments, rageurs, explosifs, vacillants, Hervé et Martin, les deux guitaristes.
Sur scène, on retrouve les titres du premier EP de la formation, dont le jubilatoire "Everything is changing", pièce exemplaire et inspirée de ce mélange de lyrisme pop-mélodique et de rage rock-amère au goût de trop-plein.
Pop-rock indépendant, mélodique et anglophone, la musique de Kami porte en elle ses influences - manière de s’inscrire dans une tradition, de revendiquer un héritage ; mais elle ne se satisfait jamais d’en rester à la récitation des schémas bien connu.
Kami achève son concert sur une version puissante et folle de "The heart is a lonely hunter", l’une des pièces maîtresses de son répertoire. Pris par les répétitions et le crescendo, je pense à Spacemen 3 ; lorsque la mélodie s’engouffre dans une série d’explosions, pour s’effondrer sur elle-même, sombrer dans la saturation, je me dis que le Mogwai de Ten rapid n’a pas perdu son temps s’il lui reste une si jolie descendance.
Lorsque le silence se fait, ivre de saturation, je me dis que Kami doit continuer encore au moins assez longtemps pour mettre ce titre sur un disque.
Changement de scène, changement d’ambiance. Le rock a bien des visages. Hey Hey My My porte le sien bien en vue, et il lui va comme un gant, si l’on peut dire.
Duo à la ville, quatuor à la scène, Hey Hey My My est né à la fin des années 90 de la rencontre, à Bordeaux, de deux Juliens, respectivement Gautier et Garnier.
Chacun son manche de guitare à la main, les deux compères, de scènes confidentielles en scènes confidentielles, en sont venus à se choisir un patronyme en forme d’hommage permanent - à Neil Young, auquel ils ont emprunté les mots, mais aussi à toute la grande famille de ce rock qui ne doit jamais mourir, dont ils ont emprunté l’esprit.
Musicalement, Hey Hey My My a son petit côté Zutons : dans une vieille marmite qui sent encore les Beatles, le Dylan et tous les produis dérivés du folk, de la pop et du rock, rajouter une petite dose de folie, un goût pour le contre-pied, le pied de nez et la moutarde qui monte, qui monte, qui monte - à servir chaud, très chaud. Explosif et sensuel comme un beau riff. A boire à pleine gorge, déployée comme un rire, insouciant.
Appuyés par une basse et une batterie de bon aloi, les deux Juliens accordent leurs guitares, une acoustique et une électrique, mêlent leurs voix et s’acoquinent de chœurs pour proposer sur scène des versions vivantes des titres de leur premier album (éponyme, Sober & Gentle, 2007), comme les tubesques "In your room" et "I need some time" ; le touchant "In the lake" ; "Poison", véritable leçon de Beatles ; ou "Your eyes when we kiss", cynique / réaliste.
Fraîches, enthousiasmantes, entraînantes, les compositions du duo vous restent en tête avec une facilité étonnante. Avec un charisme tout en discrétion et en simplicité, le groupe les porte avec efficacité, pour un set rafraîchissant et enjôleur, un peu fou et un peu sage pour des enfants du rock qui ont le raffinement infini de savoir être talentueux sans se faire révolutionnaires.
Il n’y aura pas eu besoin, ce soir, de tuer le père au Balthazar. Le rock serait-il sorti de sa crise d’adolescence, décomplexé, assumé ? |