Attention, disque sérieux. Précaution élémentaire : éloigner les gosses de la platine afin d’éviter tout traumatisme. Vue la pochette, l’affaire paraît déjà éminemment réfléchie. Voire conceptuelle.
Coup d’œil au verso, tous les titres débutent par la première lettre de l’alphabet. Quoi de plus logique, l’album s’intitule A ... De plus, il s’agirait de la pierre initiale d’une trilogie dont les successeurs seraient … les B et C. Rien ne semble donc avoir été laissé au hasard ... Pas même le nom du backing band répondant au délicat patronyme de Reich IV.
Pourtant, le plus intriguant - et le principal - n’a pas encore été abordé. A l’initiative et à la tête du projet, Romain Turzi revendique l’appellation "musique disciplinaire". Que l’on traduirait de manière simpliste par un savant dosage de krautrock, de noise et de musique moderne. Une chose est sûre, on n’est pas là pour la déconner.
Dès l’introduction avec A, les fantômes de Kraftwerk ou Terry Riley se voient convoqués. Ceux de Neu ! Can, Faust et toute la clique viendront au fil des titres. Des ambiances sombres, austères. Des claviers glacials, répétitifs. Des guitares noisy à souhait. Et par-dessus tout, des rythmiques lourdes, denses, complètement hypnotiques par moment ("Animal Signal"). Subtile alternance de passages planants et d’accélérations transcendantales.
Une musique du futur solidement ancrée dans les années 70. Et visuellement particulièrement suggestive : survol de paysages désertiques voire hostiles ou bande son d’une bataille interplanétaire. Les pistes découvertes sur le mini-LP Made Under Authority, datant de 2005, se voient ici sublimées, en bien plus abouties. Pas ou peu de paroles à l’exception notable de "A Notre Père" reprenant la prière "Notre Père". Une véritable bombe à vocations en cas de hautes rotations sur RCF.
Enfin, au-delà de celles citées plus haut, A regorge de références aux musiques de films (Carpenter ou encore Morricone (dont le clin d’oeil au "Clan Des Siciliens" sur "Allah Delon" n’échappera pas à l’auditeur assidu). Pas le moindre dérapage, jusqu’au bout Turzi colle à sa ligne de conduite ; l’ensemble demeurant précis, carré, telle une mécanique bien huilée. Trop parfois au détriment des émotions …
A ou la tentative d’une formation versaillaise de défendre sa conception de la musique. A l’opposé de l’hédonisme de masse jetable et béat de la majorité des productions actuelles. Sorte de croisade pacifiste des temps modernes. Impressionnant. Osé aussi. Particulièrement réussi surtout. |