Comédie dramatique de Lee Hall, traduction de Fabrice Melquiot, mise en scène de Michel Didym avec Romane Bohringer.
Elle arrive du fond de la salle, survêtement rouge et bonnet assorti. Dès les premières secondes, on est fasciné par cette petite "Face de cuillère", surnommée ainsi parce que, attardée, son visage est rond comme une cuillère. On est tenu par ces gestes entre mime et danse sur un air de la Callas. Elle est condamnée, le sait et décide d'aller de l'avant...toujours !
Malgré sa perception d'enfant, ou grâce à cela, elle prend un recul extraordinaire sur les choses et les êtres. Elle s'enthousiasme sur tout ce qui l'environne, compatit sur ses parents et fait preuve de bon sens et de philosophie.
On est pris par sa voix qui nous parle avec tant de simplicité et de malice du sens de l'existence. Délicatement, elle nous ramasse pour nous emporter droit vers les nuages. Droite, debout ,"Face de cuillère" voit tout, comprend tout et transforme son destin tragique en sublime hymne à la vie.
Le texte de Lee Hall (scénariste de "Billy Elliot") ne laisse pas au spectateur un seul moment de répit, emporté qu' il est par cet être si singulier : innocent et sage à la fois. Merveilleusement traduit par Fabrice Melquiot au verbe poétique, ce récit qui n'est pas sans rappeler "Oscar et la dame rose" a une portée universelle. Comme une évidence. Tant cette gamine nous donne une leçon de vie...
La mise en scène de Michel Didym par notes effleurées jointe à la belle scénographie de Vincent Tordjman met en lumière de façon inoubliable ce texte bouleversant. Témoin, une séquence mémorable où un encadrement de fenêtre se transforme soudain en théâtre de marionnettes, faisant apparaître à l'aide de bonnets et d'écharpes son petit monde à elle, un monde d'observation sur ce qui l'entoure, avec tout l'émerveillement et la gravité dont seuls sont capables les enfants dans leur lucidité.
A la fin, à mesure qu' elle s'approche de la mort, enlevant son bonnet et sa veste, elle quitte son enveloppe terrestre.La chrysalide est devenue papillon. Alors, la tête haute et son handicap disparu, la môme craquante s'envole vers un ailleurs qu'elle ne craint plus, doucement portée par la Callas.
"Face de cuillère", c'est bien sûr Romane Bohringer et sa grâce. Une présence inouïe. Une vraie générosité qui fait qu'on ne la quitte pas tellement elle rayonne, et qu'elle est dans tout ce qu'elle fait. Dans chacun de ses mots et chacun de ses gestes, de la première à la dernière minute de ce spectacle magnifique. Et l’émotion qui l’étreint au salut, autant que nous, en dit long sur son implication…
Une fois dehors, on emporte tout au fond ce cadeau inestimable de cette petite fille / grande comédienne : une petite étincelle d'amour à faire grandir. Et la vie à chérir !
|