Après avoir été tellement impressionné par la performance de Romane Bohringer dans "Face de cuillère", j'avais voulu savoir comment on parvient à une telle perfection.
Très gentiment, elle accepte de m'en dire plus pour Froggy's Delight. Rendez-vous est donc pris pour se voir au TOP de Boulogne où elle achève cette série de représentations. La rencontre se fait au foyer du théâtre (où on en profitera pour se restaurer l'un et l'autre avec des paninis "légumes grillés-mozarella").
Une fois lancée, difficile de l'arrêter tant cette pièce lui tient à coeur...
Ce spectacle, Face de cuillère, c'est un projet qui est venu comment ?
Romane Bohringer : C'est Michel Didym le metteur en scène qui a découvert ce texte lors de son festival qui s'appelle "La Mousson d'été" , dédié aux auteurs contemporains. Donc il a fait traduire le texte et il l'a, je crois, adoré. C'est lui qui a vraiment découvert ce texte qui n'a jamais été joué en France et qui était vraiment une création. Michel, il m'avait vu dans les spectacles de Pierre Pradinas, et il m'a proposé le texte.
Comment se prépare-t-on à un tel rôle ? Quelles sont les sources d'inspiration ?
Romane Bohringer : On a beaucoup travaillé d'abord. Ca a été des répétitions très difficiles pour moi parce que j'étais toute seule. Très exigeantes... Un gros travail pour arriver à la maîtrise qui est la notre aujourd'hui (du texte, du rythme et du spectacle). Donc, beaucoup de questions que je me posais, en fait, les réponses étaient contenues dans le texte.
Comment on s'y prépare? Je crois que la réponse la plus complète c'est que quand on a affaire à un très beau texte, beaucoup de ce qui va nous aider plus tard est contenu dans le texte. C'est cette richesse qui en fait un beau spectacle.
C'est vraiment une histoire de fusion. C'est à dire que c'était vraiment une bonne idée je crois que Michel a eu de me le proposer à moi. Parce qu'on a assez vite fusionnés, moi-même avec le personnage de "Face de cuillère". Je crois que nous sommes trois ensemble : le texte, moi et Michel, on a fait un beau travail.
Les choses qui étaient difficiles à aborder c'était l'enfance, évidemment. C'était comment, moi à 34 ans, imaginer représenter une enfant sur scène. L'autre difficulté, c'était de rester extrêmement rigoureux par rapport à l'émotion. C'est à dire que le texte lui-même est déjà très chargé donc beaucoup de notre attention s'est portée aussi sur le fait qu'on devait rester extrêmement pudiques et droits pour ne jamais chercher à faire basculer le spectacle vers le...larmoyant.
Moi, mes sources d'inspiration, en fait, je suis complétement fascinée par le texte original et également par la traduction. Une de mes grandes questions c'était la légitimité de jouer une enfant sur scène. Et d'autant plus une enfant malade. Et comment le faire... Et parce que c'est un très beau texte et une belle traduction aussi je crois, toutes les questions que je me posais étaient solutionnées par le texte. Michel m'a réorienté tout le temps dessus. Et effectivement : tout est dedans. C'est écrit de telle manière que l'enfance, l'audace de cette enfant, son intelligence, sa vivacité, sa spontanéité... elle est contenue dans la manière dont est fractionné le texte.
La ponctuation est hyper importante dans le texte. Je la respecte à la virgule près. Et c'est presque la ponctuation qui donne l'enfance. "Face de cuillère", elle parle très vite. Elle parle beaucoup. Et elle a des espèces d'analyses extrêmement spontanées de la situation. Et tout son langage avec ses "tu vois le truc"... est indiqué dans le texte quand on s'y appuie et qu'on s'y réfère. C'est là que j'ai trouvé mes solutions sur l'enfance.
Michel a été très important sur la gestuelle. Evidemment, très vite on s'est demandé comment représenter l'enfance et la différence, donc il m'a beaucoup aidé à inventer des gestes toujours un peu décalés. De lui inventer un langage qui serait le sien. Les images physiques dont elle se sert pour exprimer les choses sont toujours un peu décalées donc... comment dire... petit à petit, on a trouvé une carte géographique au texte.
On a trouvé ses personnages et petit à petit habité tous les personnages qui peuplent la vie de "Face de cuillère". Voilà, le travail s'est essentiellement fixé sur la rythmique et la gestuelle.
... à suivre : la peur et la joie qu'elle a connues avec ce spectacle... |