Vous êtes las, je suppose, de cette chanson française qui s’inspire de nos quotidiens triviaux, des histoires de slips qui traînent ou de factures impayées. Vous en avez soupé de l’inventaire des années quatre-vingt à travers la télé et l’actualité ou des chanteurs qui mettent des vestes sombres. Et bien regardez un peu du côté de la Belgique.
Samir Barris, batteur des feux Melon Galia, sort un premier album, tout en poésie. Le jeune homme ne manque pas de classe : photo noir et blanc et sobriété avec son nom en petit au dessus. Quel effet ? le titre de l’album. Et bien un petit air d’Arthur Rimbaud.
Il ne nous propose pas moins qu’un peu de bonheur, avec la finesse des timides. Accompagné à la guitare ou à la contrebasse, les textes nous emportent sur les routes de traverses, où le chemin importe plus que la destination : "la ligne d’arrivée perd de son intérêt", allongé au bord de la route, ou dans le fossé. Le voyage peut être immobile ou à bord d’un navire enivré (tiens tiens un bateau ivre), sur les ailes des chansons de Samir Barris. L’amour est léger et la mort, bien sûr il y pense.
Douze titres pour quitter les chemins de la civilisation et flâner sous le ciel ensoleillé.
"Le fossé" place d’emblée l’album sur une modalité guitare/voix, avec par instant une sobriété qui rappelle les ballades de Mathieu Boogaerts. Tous les textes sont d’une rare consistance sauf peut-être les remontrances (sur le thème de "range ta chambre !") et "Salut Bonjour", où les yeux fermés, on croirait que Katerine entame le premier couplet.
Portée d’une voix claire, les chansons sont autant de poèmes : déclaration d’amour à la muse, dans "Fruit mûr" (un tube en puissance), ou "Invitation au voyage" : invitation et quittons les amarres pour se laisser porter dans la traversée : le départ, l’amour, la chanson : triades des troubadours de toujours.
A noter encore la performance de mettre en musique le texte génialissime de Boris Vian : "Je voudrais pas crever". Et le poète trompettiste n’aurait certainement pas été déçu par cette version remplie de rage de vivre. N’est-il pas périlleux d’acoquiner ses propres textes avec ceux des maîtres ? Pas de fausses notes, c’est dire qu’il a plutôt placé la barre très haut.
Voilà un album frais et revigorant, à écouter sans modération. |