Rarement formation n’aura fait preuve d’une telle créativité, d’un tel talent, d’une telle volonté de remise en cause pour ne susciter qu’un entrain mesuré de la part du public.
Y compris au sein de l’underground où Nick Talbot - frontman de son état - s’affranchi difficilement du statut de sympathique trublion. Et pourtant, du folk aux délicieux accents Nick Drake de "Flashing Seasons", en passant par les déluges soniques de "Black Holes In The Sand" ou "Fire In The Distant Buildings", le garçon n’a cessé de nous épater.
Les disques s’enchaînent sans se ressembler, à peine à détecte-t-on un invisible fil conducteur entre eux. A en croire le principal intéressé, cette quête perpétuelle de nouveauté serait totalement délibérée et non subie. Une sorte de principe constitutif et inhérent au projet.
Après des débuts stakhanovistes - deux albums et un copieux EP en moins de deux ans -, Gravenhurst a pris le temps nécessaire à l’élaboration de The Western Land. Comme en témoignent les photos de studio de la pochette. "Pierrot Le Fou" de Godard relevait plus d’une juxtaposition des grandes réussites de ses films précédents que d’une nouvelle création en tant que telle.
L’impression dégagée par ce nouvel opus de Gravenhurst s’avère rigoureusement identique. Après s’être livré à l’exploration de territoires divers et variés, Nick Talbot revient avec un disque hybride, synthèse avantageuse de ses expériences antérieures. Un sentiment d’apaisement émane de The Western Land, parfaitement illustré par un classicisme évident dans la construction des titres.
Même si idées noires, ambiances sombres et graves constituent toujours le socle du son Gravenhurst. "Saints" ou encore "Song Among The Pine" satisferont les indie boys amateurs d’arpèges de guitare acoustique. Les aficionados de pop noisy se rueront en priorité sur "Trust" ou la chanson éponyme. Mais tous se retrouveront sur ces pépites aux échafaudages imprévisibles que sont "Hollow Men" ou "She Dance". Tant sur le fond que sur la forme, The Western Land sonne incontestablement comme le disque le plus abouti à ce jour de l’écurie Gravenhurst.
Pourtant, seule la scène arrive à offrir un terrain de jeu à la mesure du talent du groupe de Bristol. Où celui-ci peut véritablement s’exprimer, sans la moindre retenue. Insuccès relatif disions nous, malheureusement confirmé lors de sa dernière venue parisienne dans un Point Ephémère largement incomplet.
Première tournée mise à part, Gravenhurst se présente sous la forme d’un quatuor classique sans fioritures : deux guitares, basse et batterie. Inutile de patienter des lustres pour comprendre que Gravenhurst emportera encore tout sur son passage; la majorité des titres se voyant en effet fondus dans une sauce noisy ravageuse.
Parfois une balade vient temporairement interrompre le chaos ambiant ; l’apocalyptique relecture du "See my Friends" des Kinks restera d’ailleurs au placard, remplacée par une reprise convenue de "Fairport Convention", soulignant une fois encore l’influence de la musique folk. A bien y réfléchir, la force scénique de Gravenhurst réside dans l’alternance. Alternance entre morceaux à l’architecture classique et fulgurances instrumentales inattendues.
Alternance entre balades cotonneuses et déflagrations sonores de pur shoegazing. Alternances entre éclairages sombres, voire discrets et aveuglement général de la salle. L’assurance au moins de ne jamais savoir sur quel pied danser. On adore. |