Malgré un premier album, Sandrine Kiberlain reste une actrice qui s’essaie à la chanson. On ne modifie pas si aisément une image construite en une vingtaine d’années, à travers le désir des autres.
Alors il faut se méfier de certaines idées préconçues qui nous inciteraient à négliger cette expérience, d’autant qu’elle est comme écrasée par des médias qui font trop et mal, surexposant l’actrice pour mieux cacher la chanteuse.
Si Sandrine Kiberlain se lance ce défi d’écrire des chansons et de les défendre, pourquoi ne pas se pencher également sur son travail.
Assurant chacun des textes des 11 chansons, elle retrouve cette fois-ci encore Camille Bazbaz (mélodiste subtil) et Pierre Souchon pour la composition, et s’essaie à de nouvelles collaborations avec Etienne Daho et Mickaël Furnon.
Il est alors moins surprenant d’entendre un peu du succès de Jane Birkin, partageant la même ironie sur la starification, elle dit aussi en substance "je suis chanteuse et je vous emmerde", lorsqu’elle chante "Je suis chanteuse/Et je m’y crois, il faut que j’déjeune/Avoir Carla et Vanessa /Pour parler d’ ça."
Aussi est-il dommage qu’elle ne dépasse pas les bornes : son univers est un peu trop conventionnel, les gens y pansent leurs blessures dans la solitude. C’est vrai qu’elle n’a pas non plus la voix de Catherine Ringer ou de Véronique Sanson, mais nous n’en demandons pas tant non plus : une voix à la Jane Birkin fait l’affaire.
La chanson éponyme de l’album est certainement la plus originale. ("Coupés bien net et bien carré") sur un rythme vif saccadé , elle mène un parallèle entre "changer de tête" (la coupe de cheveux) et "changer de vie" (un nouveau départ).
Malgré une certaine qualité de travail, Dominique Blanc-Franquard est quand même à la production !, le disque de Kiberlain ne laisse pas beaucoup de traces, peut-être parce qu’elle cherche elle-même de quoi parler et sur quel registre, alternant les sujets (de société ?) drôles et tendres comme Edouard qui fume le cigare et qui est un homme au foyer ("Je m’appelle Edouard"), les ruptures ravageantes ("Parlons plutôt de vous"), aimer un homme de soixante ans ("Pluvieux")… : un peu trop sur le mode des titres de couverture de Marie-Claire… (Surtout qu’on se rappelle bien qu’Edouard qui fume le cigare vit avec Gaston qui s’occupe du téléfon : discrétion…)
L’écart est grand alors, avec une chanteuse comme Pauline Croze par exemple, que Kiberlain elle-même fait rimer avec "ose" : "Il ose,/Il m’envoie sur les roses/ N’écoute que Pauline Croze…".
Force est de constater qu’on serait plutôt d’accord avec lui. |