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Interview  (Paris)  février 2008

A la veille d'une date à la Boule Noire et à l'aube d'une prometteuse carrière, F.M. alias François Maurin, auteur de l'album A dream or two répondait avec passion à nos questions. Passion partagée tant son discours est audacieux et intéressant ...

Première question à laquelle tu as dû répondre 1000 fois dans la même journée : F.M. cela vient d'où et quelle est la génése du groupe ?

F.M. : C’est l’occasion pour moi de préciser les choses. F.M., ce n’est pas un groupe, ce sont mes initiales. Le sens de ce nom de scène était une signature, comme je signe une musique. Je trouvais que les initiales étaient intéressantes en tant que compositeur.

Ensuite, il y avait cette référence aux années qui m’ont vu grandir, les années 80. Je suis né dans les années 70, en 1975. Dans les années 80, la bande FM a explosé, il y a eu un nouveau rapport du public à la musique avec un choix agrandi, de pouvoir se balader entre différents types de musique. Il y avait un côté rassembleur, un côté éclectique dans l’idée de la bande FM, qui résonnait par rapport à mes initiales. J’ai donc décidé d’en jouer, et de l’afficher comme ça, en prenant ces initiales comme des initiales qui tombaient sous le coup du sort.

L’idée d’éclectisme musical m’intéressait et surtout ce que cette bande FM avait de projets populaires. Cela correspondait à l’idée que j’avais de mon projet, à savoir faire une musique populaire, éclectique dans le sens où on pouvait tout y mettre dans cette pop que j’affectionne tant.

C’est un projet qui a toujours été celui-là. Ca a toujours été F.M., tu n’as jamais joué dans d’autres groupes que celui-là ? Tu as toujours eu cette idée de ce que tu fais maintenant, finalement ? Cette pop éclectique est ancrée en toi depuis toujours ?

F.M. : J’ai toujours eu des idées assez fermement dessinées en tête, avec des projets très conséquents, depuis mon plus jeune âge. Adorant la musique, j’ai fait l’expérience de la pop musique, du rock, surtout du premier album de Kate Bush que mes cousines anglaises m’ont ramené d’Angleterre et dans lequel j’ai eu l’impression que tout se disait ou pouvait se dire. Tout était permis en termes d’harmonie, de chant, d’effets sonores, en termes de tout. C’est dans cette veine là que j’ai décidé dès le début de m’exprimer.

Il y avait un voyage qui me sortait de mon quotidien et a donné un sens à ma vie, dans le sens où je pouvais racheter un peu la monotonie et la médiocrité du monde qui m’entourait. Il était possible de bâtir un monde idéal, par le biais d’images oniriques, à la guise de ma fantaisie et de mon imagination. Dans ce premier album de Kate Bush, je pensais vraiment que tout se dessinait pour moi. Je crois me rappeler que vers 5-6 ans, j’ai vraiment eu l’envie de composer des choses et d’être, moi aussi, un peintre, un bâtisseur de monde.

Par la musique.

F.M. : Par la musique et pas par l’image. C’est un peu paradoxal mais, à vrai dire, j’avais plutôt un don pour le dessin en fait. J’avais des talents de dessinateur beaucoup plus prononcés à l’époque. Quand j’étais petit, des adultes s’attardaient devant mon dessin et reconnaissaient en moi un don particulier.

Mon père surtout affectionnait cette image qu’il avait de moi. Etant donné qu’il était, lui, un grand mélomane reconnu, amateur toujours mais dont on savait que l’oreille était particulièrement développée, j’ai voulu suivre cette voie pour lui montrer aussi, quelque part, que j’étais bien son fils et que la musique avait un intérêt particulier pour moi, alors que lui me voyait comme un dessinateur. Il avait l’idée que je ferai de la bande dessinée plus tard alors que moi, j’ai voulu suivre l’affiliation paternelle.

J’avais compris le message qu’il m’avait apporté depuis le début, à savoir que la musique était d’une importance capitale dans nos vies. J’ai eu un amour pour ses harmonies, toutes ces choses qui me vrillaient la tête chez Chopin, chez Bach, parce que lui les écoutait beaucoup.

C’est ce message là que j’avais envie de porter haut et fort, et l’envie de l’étendre à un public plus large encore, dans une musique qui englobe cette musicalité, avec cette grâce si particulière au compositeur, dans la construction des mélodies et des harmonies, et à la fois avec cette électricité, cette fougue, cette ferveur incroyable des musiques de rock qui m’électrisaient tout simplement. J’avais envie en une même musique de rassembler cela.

C’est joli et c’est réussi en tout cas. C’était presque inévitable que cela passe par un quatuor. Il fallait que ce soit de toute façon des instruments classiques ou alors tu as eu une phase guitare-basse-batterie ?

F.M. : D’autant que mon idée a toujours été sonore. L’univers que j’ai le plus visité, c’était forcément le rock. J’ai écouté tellement de choses, comme nous tous qui adorons cela. J’avais en tête, d’abord et avant tout, des idées de compression, de réverb, et j’avais maquetté, moi qui suis un grand home-studiste, pour batterie, guitare, etc.

La majorité des morceaux qui sont ici sont des morceaux qui sont réarrangés, réorchestrés par mes soins pour un quatuor. Mais cette idée de quatuor, de quintet plus exactement, m’est venue en dernier, moi qui ne laisse pas beaucoup de place au hasard, je dois avouer, dans ma pensée musicale ou dans ma pratique. C’est vraiment au dernier moment que cela a bifurqué.

J’ai toujours beaucoup arrangé les choses, c’est-à-dire que j’entends dans ma tête quand je compose. Pour le rock, j’entends clairement les choses, les lignes de basse, les accents de charlé, etc., j’entends tout. C’est un travail très solitaire de compositeur, c’est comme ça que cela me vient.

J’avais idée de faire deux groupes : un groupe rock avec les instruments classiques du rock – batterie, guitare, synthé – et de l’autre côté, un groupe d’instrumentistes classiques. Je pouvais réunir les deux groupes le moment venu pour faire un album. J’imaginais tout cela en production indépendante.

J’avais concocté un plan d’attaque qui était en fait un plan quasi impossible à faire, économiquement hyper difficile Je m’en suis aperçu plus tard, rapidement, au niveau de l’énergie, qui aurait été quasiment infaisable.

Parallèlement à ces projets sur la comète que je concoctais, je m’exprimais sous la forme de reprises, en solo, dans les bars, dans les pubs, etc. J’ai commencé à débaucher des gens pour faire un trio : cor, violoncelle et guitare. J’arrange les reprises et en même temps, je commence à faire un petit groupe pour lequel je réarrange mes compositions originales, tous ces morceaux pour batterie, synthé, pour ce quintet là.

Du coup, je suis obligé de trouver pour les instruments classiques une écriture rock qui rend compte de l’aspect rythmique, qui ne soit pas du tout quelque chose de déterrer, avec une conception du temps propre à la musique classique, avec des silences, des arrêts, etc.

Non, il fallait un format de pop rythmiquement, dans lequel il n’y ait pas de blancs, mais un truc qui, à la fois, avance et qui ait des lignes mélodiques intéressantes. Je souhaitais bénéficier en fait de ce que j’adore dans la musique des compositeurs, cette façon d’écrire les lignes mélodiques, avec grâce et amplitude.

Je commence alors à travailler une idée d’écriture pour les instruments à corde qui soit une écriture rock, avec l’ambition de fondre les deux styles en un, que ce soit une musique de chambre pour les pubs, quelque chose comme cela.

A ce moment là, j’ai l’image d’un groupe de rock du XIXème siècle et je commence à avoir celle d’un dandy dont on ne sait pas bien s’il vit aujourd’hui ou hier. Aussi, l’idée hyper attrayante pour moi de dire : cela reviendrait à fondre différentes époques en un même projet et du coup, à visiter des époques. Visuellement, j’ai commencé à faire des montages photo, avec des images qui mêlaient plusieurs époques et plusieurs styles. Là, je me sentais dans mon élément.

Musicalement parlant, j’ai toujours été attiré par différentes sortes de musique. A chaque fois, la même chose m’intéresse. Ce serait difficile à définir comme ça. Je l’ai toujours pressenti, du coup j’ai toujours été mal à l’aise dans les milieux musicaux – le rock, la musique classique, le jazz – parce que je suis avec des gens qui ne voient pas où je veux en venir et qui ne me cernent pas. J’ai besoin de me recentrer, de me retrouver dans mon milieu à moi. Mon milieu est entre les styles.

Depuis que je suis môme, j’écoute avec le même mouvement, je veux dire même corporel, du Bach ou du Bowie. Quand ça tape, quand cela t’arrive dans la tronche, tu ne te poses pas de question. Pour moi, j’entends du Schumann (il y a des morceaux de Schumann qui sont carrément plus rock qu’un morceau … je ne sais pas, je n’ai pas envie de citer) dans la puissance, dans l’efficacité musicale.

C’est cela que je retiens du rock. C’est l’espèce de coup du lapin qui fait que l’on remet le morceau, on remet le morceau en boucle et on devient fou. Cette folie là, cette électricité là, je ne sais pas comment cela se fait, je me sens différent depuis le début parce que je ressens la même chose. Je fonds les deux en un, sans même me poser de question.

A l’écoute de l’album, c’est quelque chose de plutôt réussi. Le disque vient de sortir, tu as fait pas mal de date, déjà ? Tu as un retour des gens ? D’un côté, cela peut paraître un peu aride pour les gens qui écoutent "de la variété" et pour les gens super indé comme tu disais enfermés dans un style, que ce soit rock, jazz ou autre chose, ils risquent de dire que c’est du easy listening ? Tu n’as pas peur de cela ?

F.M. : J’aime beaucoup ta question qui ne m’est jamais posée en ces termes. Elle est hyper intéressante parce que le pari est un peu là. De deux choses l’une. Soit parce qu’il n’y a pas de batterie, on ne fait qu’entendre la musique, il n’y a rien de saillant et on la prend de la même façon que les gens qui écoutent de la musique classique, histoire de mettre une ambiance sonore dans le fond qui ne leur fasse pas trop mal aux oreilles. Soit on prend le truc comme ça donc, soit on tend l’oreille. Parce que précisément, il n’y a plus de batterie, il y a un vide et on est obligé de s’y enfourner. Du coup, on est forcé d’écouter.

C’est un peu ma démarche, c’est un peu le pari de dire : bon, tout le monde essaie de mettre des décibels en veux-tu, en voilà, les groupes de rock ne jouent que là-dessus, essaient de monter le son. C’est ce qu’il se passe en concert pour masquer péniblement le fait qu’il n’y a pas d’inspiration véritablement musicale derrière.

J’ai voulu prendre le contre-pied : quand tout le monde gueule, peut-être qu’en parlant tout bas, les gens vont se taire et écouter. J’ai voulu jouer avec ça, déjà d’une. En plus de cela, je m’amusais parce que le pari de faire de la pop sans mettre de batterie, sans le fameux "poum tchac" , il y avait un espace vachement intéressant.

C’est assez rigolo en fait. Des retours journalistiques que j’ai aussi, je vois ce qui se dessine. Je vois que chez les férus de rock justement, qui sont comme tout le monde dans tous les milieux, il y a des gens qui sont ouverts et des gens de la hype. Les gens de la hype ont beaucoup de mal parce qu’ils ne savent pas comment se placer avec ma musique, je le sens. Donc, ils se prononcent à peine. Ils se prononcent souvent en mettant l’accent sur le fait qu’il y a des reprises et que du coup, les Stranglers, ils ont droit d’aimer. Alors ils disent juste que ces reprises sont intéressantes. Ils ont le crédit de la new wave que l’on a le droit d’aimer.

Moi, cela me fait assez marrer. Quelque part, je n’étais pas dupe de cela dès le début. A la fois, je n’ai pas peur que des gens fermés n’apprécient pas. Ce qu’ils m’ennuieraient plus, c’est que des gens qui ouvrent leurs oreilles et qui écoutent, trouvent qu’il y a quelque chose de véritablement chiant, pas sensible dans la musique. Là, je serai désappointé parce que je n’aurai pas réussi ce que j’ai essayé de faire, c’est-à-dire de gommer toutes ces histoires de styles, de modes de musique, de style pas dans le sens de l’esthétique mais dans le sens de la patine.

Il y avait un enjeu également. C’était de jouer, de risquer quelque chose, de parier aussi. Une musique comme ça sans batterie, sans rien, c’est une forme de mise à nu de ce qui est essentiel pour moi.

C’est un peu en opposition avec ce que tu disais avec le coup du lapin tout à l’heure où ça t’arrive comme ça dans la face. Ton disque, c’est presque le contraire, on attend de voir venir et ça vient comme ça. C’est plus un flux qu’un coup du lapin.

F.M. : Encore une fois, cela dépend des écoutes. Si tu rentres dans la musique, le coup du lapin, ce n’est pas le coup de caisse claire, ce n’est pas la même chose. Le coup du lapin, ça va être ce passage là, cette émotion que j’ai voulu recréer par rapport à une idée musicale ferme, évidente pour moi, belle, effective et puissante. En tout cas, ce sont les retours que j’ai, oui. Les gens entendent la même chose que moi à ce moment là. Si vraiment elle te transporte, c’est de cette beauté dont je voulais parler, de cette énergie.

J’ai déplacé ce que l’on appelle "rock" en général, il fait sens autre part. C’est une large question qui est, chez moi, assez compliquée : qu’est-ce que je garde du rock là-dedans ? Pour moi, je suis en train de faire du rock, je pense à un niveau esthétique. C’est plus culotté, c’est plus transgressif d’enlever la batterie que de la mettre plus fort, aujourd’hui. C’est ma façon à moi d’être subversif.

Même si le rock, c’est un esprit de rébellion. Encore une fois, je trouve plus osé d’enlever la batterie plutôt que de la mettre plus fort. Tu parles d’une rébellion ! (Rires) Je vois beaucoup de groupes de rock qui effectivement se donnent un style, exactement le même style que leurs ainés en légèrement différent. C’est aussi le sens de pop dans leur musique : qu’est-ce qui est nouveau finalement dans la pop ? Tout cela reste à définir.

Pour moi, il y a un jeu. Je ne prétends pas donner des réponses et des leçons, j’avais envie en tout cas de remettre cela en cause, d’ouvrir les choses.

Justement, ce new popular musique, cela pourrait paraître un petit peu prétentieux de ta part, de dire c’est moi le nouveau messie de la pop ? Une fois que l’on t’a écouté, ce n’est pas ça. C’est effectivement donner d’autres accès à d’autres choses sur une base, en tout cas à l’intérieur de toi, rock. Comme tu dis, les gens se donnent comme prétexte les reprises.
Pour moi, les reprises, en se faisant l’avocat du diable, c’est une question un peu perfide, cela aurait pu être ton prétexte à toi pour dire "je fais du rock, Je vais mettre trois reprises", en plus ce n’est pas n’importe quoi. C’est quand même des chansons que le monde entier connaît, qui sont extrêmement fortes de signification. Pour en arriver à ma question : pourquoi trois reprises sur un premier album  ?

F.M. : Plein de choses encore dans ta question. J’ai tendance à partir dans tous les sens.
Je vais commencer par la fin : pourquoi trois reprises ?

Ca aussi, pour un premier album, on peut dire que tu tends le bâton pour te faire battre.

F.M. : Exactement. Mais, quand on veut essayer de me battre, voilà ce que je dis : pourquoi pas trois reprises ? Pourquoi pas quatre ? Pourquoi pas cinq ?

Pourquoi pas que ça ?

F.M. : Pourquoi pas que ça ! Et qu’est-ce qu’il y a de gênant ? Je ne suis plus un rocker ? Je ne suis plus quoi ? Je n’ai rien à perdre, je suis libre par rapport à cela. Ce sont des rockers qui vont me dire : "ah t’as pas le droit à plus de deux reprises !" Et ce sont des gens qui sont sensés abattre l’élite ! Je n’en ai absolument rien à foutre, je fais ce que je veux. J’aurai dû en mettre quatre ou cinq, peut-être aussi même, par provocation.

Rappelons aussi que moi, ce que j’aime, c’est que l’on peut tout faire avec la pop musique. On peut tout faire, tout imaginer. Trois reprises… Le début du rock, c’est aussi cela, c’est aussi quelque part une référence. J’ai pensé vraiment consciemment à ça, je me suis dit : qu’est-ce que je fais aujourd’hui en rock ? Le rock, c’était quoi ? Les Beatles ? La pop, le rock ?

C’est une mode de faire que des compositions, ni plus ni moins. Prenons un peu de distance avec les choses : auparavant, au début des Beatles, ils ne faisaient que des reprises et puis il y a eu des créations. Qu’est-ce qui est création, qu’est-ce qui est reprise ? Qu’est-ce que l’on reprend, qu’est-ce qui est nouveau ? Tout ça peut se confondre. Ce qui est super marrant, c’est que les gens confondent mes reprises et mes compositions et disent : mais ça, c’est une reprise de qui ? Ils n’arrivent plus à savoir ce qui est une reprise et une composition. Là, j’ai gagné un truc, j’ai montré quelque chose avec les reprises et les compositions.

C’est ça ce qui m’a intéressé : qu’est-ce qui est dans le domaine de la composition dans la reprise ? Qu’est-ce qui est musical ? On voit bien aussi en concert ou ailleurs que les gens distinguent une forme de quelque chose qu’ils connaissent dans leur souvenir musical. Alors moi, je joue avec ça. Mon questionnement musical a toujours été dans ce sens, c’est de dire comment se fait-il que ce truc là me prenne au corps et ne me lâche plus ? J’adore et tout le monde autour de moi adore un passage particulier. Je me suis toujours demandé ce qu’il y avait dans ce passage.

Du coup, j’ai eu tendance à analyser les éléments musicaux qui faisaient que ça marchait, une espèce de formule magique. A chaque fois, pour chaque morceau, pour chaque tube, c’est un truc musical différent, c’est une alchimie. Ce que j’ai toujours cherché, c’est de comprendre comment ça marchait et à recomposer avec ça.

J’ai voulu reprendre des tubes, les éclairer différemment pour musicalement déplacer les problèmes, faire tournoyer tout cela. Dans mes compositions, ce qui m’a toujours intéressé, c’est d’essayer de faire quelque chose dont on a l’impression d’avoir déjà entendu, de faire une reprise de mes compositions, reprise qui n’existe pas. Et qu’est-ce qu’il se passe dans la reprise qui n’existe pas ? C’est qu’il y a quelque chose d’évident, de familier. Encore là, on revient à ce qui est nouveau, ce qui est du "déjà vu".

J’avais envie de brouiller les pistes, de jouer avec ça. Ce qui se passe dans une musique, c’est que si elle est inspirée par quelque chose, si on l’entend véritablement, elle est effective. Ces morceaux ne sont pas des reprises : j’ai travaillé, j’ai exigé de toutes ces mélodies, de tous ces refrains, qu’ils soient évidents. C’est ça mon travail. S’il y a une fluidité particulière, c’est normal. Si on a l’impression d’avoir déjà entendu, c’est que j’ai bien fait mon travail et si on ne reconnaît pas bien la reprise aussi, quelque part.

Tout est pensé...

F.M. : Tout est pensé et tout me vient aussi comme ça, c’est-à-dire que mon boulot à moi c’est de faire prendre au corps quelque chose que je ressens et qui me vient dans la tête, dans le cœur, dans l’oreille surtout. J’essaie de chercher, de comprendre ce qu’il se passe et de redonner, de faire passer ce que j’ai aimé. Les tubes étaient là pour cela. C’était hyper important que ce soit des tubes pour ouvrir le plus possible à des gens et de donner tout ce qui m’a été donné aussi.

Ce n’est pas normal pour moi que Bach, que tout le monde n’est pas accès à cette beauté là. J’ai une mission de ce point de vue là, c’est d’essayer d’ouvrir et d’infiltrer aussi. Aux milieux de la hype, du rock, je leur donne des signes, je les fais venir. Après, cela m’aurait intéressé de regrouper tout le monde dans la même pièce. C’est aussi mon rêve : que l’on arrête avec le superflu aristocratique, etc. Il y a un jeu entre le côté aristo et le côté populaire.

C’est un jeu. C’est toi le maître du jeu pour le coup.

F.M. : Oui, c’est ça. Après, il faut rester en place. Pour répondre à ta question de tout à l’heure, est-ce que j’ai peur ? Non, je n’ai pas peur parce que je n’ai rien à cacher. Je suis pour que l’on écoute la musique et que l’on arrête de juste l’entendre. Qu’on l’entende et qu’on la comprenne après l’avoir écoutée.

On est dans une génération de gens qui, justement, entendent la musique, une génération de zappeurs de musique. Les albums, c’est quelque chose qui va être dans des musées bientôt.

François Maurin : C’est aussi ça la question de l’album. J’ai repensé aux premiers albums de rock. Il y avait des reprises, tout ça se mêlait. Pour en parler, il faudrait que je retrouve le livret aussi que tu n’as peut-être pas eu. Il y a des références à l’histoire du rock, tout ce que l’on adore, toi et moi.

Pour parler d’un truc qui n’a plus rien à voir finalement, dans la bio, on voit que tu es un compositeur prolixe. Ca sort d’une malle ?

François Maurin : Alors justement, pas du tout. Ca ne sort pas d’une malle abondante de titres, au contraire. L’album est très court. J’ai plutôt tendance à faire un travail de minutie parce que pour moi, le détail tue. Ce que je disais la dernière fois à un de tes confrères, le détail qui tue c’est ça dans le rock.

Dans 5 minutes, il y a 10 secondes que tu vas écouter, épuisé jusqu’à que ton lecteur ne marche plus. Moi, je me concentre sur ces trucs là. Par contre, le reste, je le coupe, je n’aime pas trop le bavardage. Je préfère la petite chose que l’on va écouter. C’est fait pour ça de toute façon, pour la réécouter. J’arrête au moment où tu as envie qu’il y en ait plus. Je crois que c’est important.

Je parle véritablement trop parce que j’oublie la question du départ ! (rires).

Est-ce que tu as 45 albums en stock ?

François Maurin : Ah oui, c’est ça. Non, pas du tout, j’ai 45 000 idées à la seconde ! C’est vrai, c’est ce qu’il se passe. En termes de musique, j’ai beaucoup eu de suite dans les idées. Je suis improvisateur, j’ai effectivement constamment de la musique qui me vient.

Après, je fais le tri, c’est-à-dire que cette musique qui me vient très naturellement et très facilement, je la mets à l’épreuve du temps. Je suis beaucoup confronté à de la musique, à du matériau sonore. Alors, si elle me reste à l’intérieur, si elle me revient en souvenir, en mémoire, je fais comme un bon vieux camembert de Normandie, j’attends que le fromage ait pris toute sa saveur. Alors ça veut dire que dans mon corps, il y a eu une construction que je n’ai pas forcément maîtrisée. Je ne maîtrise pas tout, je laisse venir à moi les choses.

Ma démarche est vraiment celle-ci. Alors ça veut dire que ça me dépasse. A ce moment là, l’idée commence à être bonne, et en fin de parcours, je la travaille. Là, je me mets à travailler, c’est laborieux, il faut tout régler, c’est un moment douloureux.

De façon assez fluide, je peux produire et avoir des connexions assez rapides entre les choses.

Le texte vient avec la musique souvent ?

François Maurin : Cela dépend véritablement mais souvent oui, en termes d’images. Je crois vraiment que tout est lié, que la musique, c’est des constructions d’intervalles qui viennent de quelque part, d’une époque, d’un style, de réflexes corporels. Les mots qui vont me venir vont être en liaison avec une humeur. Souvent, il y a une base sémantique qui vient en même temps que la musique.

Ensuite, il y a un travail à faire, relier les choses, se demander presque comment ce mot vient à l’esprit, vous lui avez rien demandé, il est là. C’est comme cela aussi que j’écris les textes. Il faut que je fasse avec, parce qu’apparemment, c’est ça qu’il m’a été dit. Je le livre et je joue un peu les deux rôles, c’est ça qui est un peu difficile, parce que je fais le psy et l’analysant.

Une espèce de schizophrénie active.

François Maurin : Un peu mais qui est constructive parce que je sais que c’est la nature humaine qui est à l’œuvre. C’est ce qui est à l’intérieur qui ressort, qui n’est pas de mon propre fait. On n’est que des passeurs. Là-dedans, je suis juste une oreille.

La grande chance que j’ai eu dans ma vie, c’est que j’ai eu un père qui m’a toujours donné à penser l’idée que la musique est supérieure à nous.

Il faut juste l’accepter, ouvrir son oreille et donner ce qui nous a été donné de plus beau. Je crois que c’est ça la musique.

Retrouvez F.M. en Froggy's Session
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crédits photos : David Didier (Plus de photos sur Taste of Indie)


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