Travis Bürki a élu résidence au cinéma indépendant l’Archipel, où il se produit tous les mardis depuis le mois de janvier. La salle n’est pas très grande et pas très remplie non plus.
Ce soir, Laurent Montagne ouvre seul avec sa guitare folk et ses pédales d’effet et se place dans la mouvance de la chanson française. Les textes ne sont pas très joyeux, mais pas tristes non plus. Ils contiennent une sorte de mélancolie, Laurent parle de son intérieur et de ses réflexions sur le monde qui l’entoure et parfois l’étreint, le tout enrobé d’une belle dose de poésie. Le chanteur nous chante les relations humaines, utilisant à plein les possibilités offertes par sa voix et ses pédales d’effet à coup de boucles programmées en début de chanson. Une prestation très agréable, qui arrache quelques sourires de contentement dans l’audience. Il faut dire que ce petit moment de poésie est renforcé par l’intimité de cette salle et la simplicité de l’auteur.
C’est maintenant au tour de Travis Bürki d’entrer sur scène. Ce soir, il est accompagné de son bassiste et de son guitariste. Il est vêtu d’un smoking noir et chemise rouge, il toise l’assistance, joue avec ses machines, s’adresse au public d’un air volontairement détaché et absent. Tout au long de la soirée, il jouera avec le public tel un Michaël Lonsdale dans le rôle du méchant dans un vieux James Bond (en plus mince et moins barbu tout de même) un regard mi amusé, mi détaché, comme si nous étions la planète et qu’il souhaitait nous conquérir.
Et ici, personne ne l’empêchera dans son entreprise. Coté musical, les deux sbires qui l’accompagnent sont tout simplement époustouflants. Le bassiste est un hybride entre John Entwistle avec l’énergie et le son qu’il sort de son ampli, et les compositions alambiquées que l’on peut retrouver sur Melody Nelson. Le guitariste, joue tout en finesse et discrétion, il remplit l’espace sonore de ses arpèges. Travis, quant à lui, navigue entre son clavier, le micro et une guitare, il excelle dans les trois instruments, en rajoute à tour de bras, joue l’exubérant, mais ne fait qu’exécuter ce pour quoi il est là, le spectacle.
Le trio terminera sur une improvisation, l’histoire d’un lapin accro à la carotène, dont les volutes musicales se rapprochent fort du pré cité titre de Gainsbourg. Travis Bürki s’inscrit dans une tradition musicale française qui balaie ses influences pour ne jamais y coller. Sur disque, les chansons ne m’avaient clairement pas convaincu, et c'est à reculons que je me suis présenté à ce concert. En revanche, la prestation scénique donne tout son sens, à la fois au personnage, au disque mais rend hommage à la qualité de ces trois musiciens. Il est impératif de voir le personnage sur une scène, et c’est encore possible. Travis Bürki sera présent à l’Archipel, tous les mardis du mois d’avril, le prix de la place plus que raisonnable, ne vous donnera pas d’excuse pour aller voir ce spectacle, au sens premier du terme. |