Texte de Savinien de Cyrano de Bergerac, adapté et de mis en scène Benjamin Lazar, avec Benjamin Lazar
et l’ensemble La Rêveuse :
Florence Bolton (dessus et basse de viole) et
Benjamin Perrot (théorbe, guitare et luth baroques).
Voici un petit bijou et une merveille, qui relève de la curiosité au sens du dictionnaire de Trévoux, donnant pour composantes de la curiosité, l'attention, le désir et la passion du savoir, et renvoie aux objets rares et précieux qui composaient les cabinets de curiosités.
"L'autre monde ou les états et empire de la lune" de Savinien de Cyrano de Bergerac, le vrai, l'écrivain libre-penseur, contemporain de Boileau et Molière, et non le personnage au glorieux appendice passé à la postérité sous la plume d'Edmond Rostand, constitue lui-même, par son foisonnement, un tel cabinet, ainsi que l'indique Benjamin Lazar, concepteur et interprète de ce voyage immobile sous acide poétique à travers le bouillonnement des idées de ce 17ème siècle de l'esprit philosophique qui préfigure le siècle des Lumières.
Autre curiosité, également, autant pour les néophytes qui vont découvrir le théâtre baroque que pour ceux qui y ont déjà tâtés car Benjamin Lazar, a adapté, avec brio, ce roman inclassable selon les codes de la déclamation et de la gestuelle du théâtre baroque.
Sans décor, sur un fond de scène plongée dans l’obscurité, celle de l’univers cosmique dans lequel le personnage, montgolfière humaine, s’envole lesté de fioles pleines de rosée, seule une rampe de bougies et quelques lampions diffusent une lumière chaude et miroitante. Trois meubles suffisent à Benjamin Lazar pour illustrer les différents tableaux de cette oeuvre singulière, et très esthétisante, dont la partition musicale ad hoc est assurée par Florence Bolton et Benjamin Perrot qui usent d'instruments magiques comme le théorbe, la viole et le luth.
Comédien, metteur en scène, musicien et chanteur, Benjamin Lazar entraîne le spectateur dans une autre dimension, qui ressortit tant de la poésie, de l’imaginaire que du surréalisme, sur les traces d'un personnage illuminé, proche du persan de Montesquieu ou du Huron de Voltaire, aux prises avec des aventures fantastiques et enchantées qui servent de métaphores plaisantes, souvent drôles, et érudites à un débat d'idées sur le monde et l'homme vu par un lettré de son siècle.
Sans verser dans l'inventaire à la Prévert, sachez qu'il est question aussi bien de philosophie, de religion que de politique, de drôles de machines, comme le livre qui parle, que des états d'âme des légumes et des conséquences génétiques de l'absorption de chair de mahométan.
Un travail abouti pour un spectacle de très grande qualité ovationné sans réserve. |