Comédie de Guy de Maupassant, mise en scène de Caroline Darnay, avec Alexis Moncorgé, Nathalie Newman et Rotem Jackman.
Le mari jouisseur et noceur délaisse son épouse qui en a pris son parti et flirte avec l'incontournable ami célibataire, amant impétueux qui, tel le coucou, aime le confort douillet du ménage d'autrui, aimable transition avant de s'engager lui-même sur la voie du mariage.
Mais leur roucoulade est menacée par les sens priapiques de l'époux qui, faute de grives, en vacance de maîtresse, l'amènent à tenter de les assouvir par l’usage du devoir conjugal.
Mettant en scène une variation de l'ineffable trio de la comédie de boulevard, "La paix du ménage" vue par Guy de Maupassant ressortit davantage de la tragi-comédie aux accents vaudevillesques dans laquelle la satire des mœurs et la charge sociale de la bourgeoisie prennent des tournures caustiques au fil des dialogues à fleurets non mouchetés où chacun règle ses comptes avec une liberté de ton qui contraste avec la pusillanimité des sentiments. Car s'il est beaucoup question d'amour, et pas seulement au sens platonique du terme, force est de constater que les protagonistes ne le pratiquent pas vraiment au sein du fameux "ménage".
En deux actes, l’auteur, usant d'une plume acérée et de répliques percutantes, réussit à dépeindre l'hypocrisie du mariage, le délitement des sentiments, la condition de la femme au 19ème siècle et la pusillanimité au coeur des petits arrangements entre amis induits par les conventions sociales.
La mise en scène nerveuse et maîtrisée de Caroline Darnay, qui sait faire la part des choses entre le comique de boulevard et la peinture de caractère, réussit à moduler le mélange de tons pratiqué par Maupassant et exclut toute dérive inopportune vers les effets faciles des portes qui claquent, cadrant subtilement la fougue des jeunes comédiens tout en sachant leur octroyer, étant elle-même comédienne, la latitude indispensable au plaisir du jeu.
Nathalie Newman est tout à fait juste dans le rôle de l’épouse, délicieuse et lucide, qui navigue entre la modernité conquérante et le désenchantement face à deux hommes : Rotem Jackman, parfait mari désinvolte à la Sacha Guitry, et Alexis Moncorgé, impeccable amant à la belle allure.
Tous formés à la même école, celle de Jean-Laurent Cochet, ils usent du même instrument et des mêmes préceptes pour représenter la partition de Maupassant et il en découle une belle harmonie qui nimbe ce bienvenu spectacle.
|