Comédie
dramatique d'après la pièce de Albert Camus, mise
en scène de Antoine de Staël, avec Audrey Boulanger,
Anne Jeanvoine, Alexandra Sollogoub, Natalia Wolkowinski et
Antoine de Staël.
Même si elle répond aux fondamentaux
du théâtre classique, la contradiction et une thématique
universelle et intemporelle, et met en scène des héros
tragiques au sens du théâtre antique, "Les
justes" de Albert Camus,
ressortit, par sa construction basée sur l'analyse et
la démonstration philosophique de l'acte de résistance
politique et de ses limites, du théâtre de texte
qui passe souvent mal le cap de la scène.
La distanciation lui confère un caractère didactique
parfois éprouvant sur la longueur et le réalisme
un côté quasi anecdotique par son implantation
historique dans le milieu révolutionnaire russe du début
du 20ème siècle, que la comparaison avec des faits
contemporains rend presque désuet.
Aussi, la proposition de Antoine de Staël,
jeune comédien, metteur en scène et fondateur
de la Compagnie Human Kosmoz Company,
dispensée dans la bien nommée salle Paradis du
théâtre Le Lucernaire, suscite un enthousiasme
roboratif et mérite amplement la reconnaissance du public.
Avec une vraie intelligence du texte, qui a été
resserré, et une mise en scène syncrétique,
reposant sur des parti pris forts et assumés, et dont
il faut laisser la primeur au spectateur, le travail de Antoine
de Staël est une éblouissante réussite. Dépassant
la mostration pour élaborer une véritable oeuvre
en soi soutenue par l’harmonie chorégraphique générale
de l’exécution, il parvient à réifier
cet humanisme indéfectible prôné par Camus,
qui doit éclairer et guider l'acte de l'homme.
Tout se passe à l'intérieur de ce cercle des
consciences, de cette famille humaniste composée de héros
ordinaires unis par la communion d'esprit et d'idées,
engagés dans la quête mystique de la rédemption
de l'humanité, au sein de laquelle, cependant, éclate
des oppositions. La symbiose inattendue entre un réalisme
toujours symbolique, une évocation tragique de l'homme
face à son destin inscrite dans une esthétique
épurée et une ode lyrique à la parole comme
moyen de briser l'aliénation opère de manière
fascinante pour porter la très belle langue camusienne.
Sur scène, entouré d'un excellent quatuor féminin
composé de Audrey Boulanger,
Anne Jeanvoine, Alexandra
Sollogoub et Natalia Wolkowinski,
Antoine de Staël signe une création atypique exaltante
à prendre le temps de découvrir avant la frénésie
de la rentrée. |