Monologue de Lee Hall, mise en scène de Alain Batis, avec Laetitia Poulalion.
Dans le cadre de l'édition 2007 du Festival Un automne à tisser dans ce même lieu du Théâtre de l'Epée de Bois, Alain Batis, comédien, metteur en scène et fondateur de la Compagnie La mandarine blanche, avait proposé "Neige" d'après Maxence Fermine, "Les quatre morts de Marie" de Carole Fréchette et "L'assassin sans scrupules" de Henning Mankell.
Trois spectacles enthousiasmants d'intelligence, de maîtrise et de beauté qui constituaient, notamment, autant de déclinaisons du questionnement métaphysique fondamental, celui du sens de la vie.
Pour l'édition 2008, il présente "Face de cuillère" de Lee Hall qui ressortit à la même thématique à travers le regard d'un être symbole de l'innocence ultime, une jeune enfant autiste, de surcroît atteinte d'un cancer incurable, qui, au terme d'un monologue concentrique qui raconte sa drôle de petite vie, délivre un secret, celui "tout le truc d'être vivant c'est de trouver l'étincelle", l'étincelle magique à partir de laquelle est né tout ce qui existe.
Alain Batis, entouré de sa fidèle équipe, Sandrine Lamblin pour les décors, Jean-Louis Martineau pour les lumières, Jean-Bernard Scotto pour les costumes, Sébastien Berteau pour le montage sonore d'extraits d'opéra chantés par Maria Callas, réussit, une fois encore, un spectacle exemplaire, magnifique, profond et nourri, à la scénographie épurée, d'une poésie totale, d'une ampleur évanescente et lyrique qui plonge le spectateur dans une dimension magique.
Un spectacle troublant et fascinant porté par une jeune comédienne lumineuse, Laetitia Poulalion, présence diaphane, presque irréelle, émanation évanescente, émissaire d'un au-delà prophétique, se meut dans son univers, un décor blanc céleste, "une page blanche qui tombe du ciel" qui délimite un espace de méditation et de projection des rêves et des ombres.
Le spectateur vit cet instant en symbiose totale avec cette incarnation parfaite d'un petit lutin blanc, suspendu à ses lèvres, à ses gestes, à son papillon lumineux ou à son ange en papier découpé, et quand Face de cuillère s'effacera, ne laissant derrière elle qu'une "poussière d'ange", il n'y aura point de tristesse puisqu'elle lui aura laissé son étincelle.
Le théâtre est-il prophétique et peut-il changer le monde ? En tout état de cause, ce spectacle aura changé la vie de ceux qui l'auront vu.