Comédie
dramatique de Anton Tchekhov, mise en scène de Philippe
Adrien, avec Scali Delpeyrat, Florence Janas, Jean-Pol Dubois,
Etienne Bierry, Lisa Wurmser, Allexandrine Serre, Olivier Constant,
Jana Bittnerova, Julien Villa, Thomas Derichebourg et Vladimir
Ant.
"Quand les metteurs en scène cesseront-ils de monter
Tchékhov dans un décor
de bois, avec l’illustration sonore pseudo-réaliste
des chevaux qui hennissent et de la hulotte qui hulule?"
Ainsi parlait un spectateur, exégète de l’auteur
sans doute, à la sortie de "Ivanov"
monté par Philippe Adrien au Théâtre
de la Tempête. A quoi on peut rétorquer qu'un autre
diktat, celui de la transposition systématique, ne saurait
avoir davantage de légitimité.
Certes Philippe Adrien met en scène ce drame, celui
d'un homme en perdition, naviguant entre un passé déjà
révolu et un avenir déstabilisant, comme ces deux
femmes symboliques, dans la déliquescente Russie à
la veille de la Révolution, dans son "jus".
En effet, le rideau aussi léger qu’un voile de
brume, celle de cette terre russe qui exhale l’ennui et
l’ineffable préscience d’une nouvelle ère
et d‘un nouvel ordre, à l’image de cette
étrange mécanique infernale, sculpture constructiviste
qui se profile déjà en arrière plan, découvre
un décor convenu de datcha russe, dans lequel, Ivanov,
ce jeune vieux propriétaire terrien traîne ses
guêtres, saisi du vide existentiel, de "l’impossibilité
de vivre".
Mais justement là réside, sans doute, la finesse
et la pertinence de sa mise en scène qui s'accommode
d'un naturalisme policé pour s’acheminer vers un
onirisme baroque et fantasmagorique, suivant la construction
même de la pièce. Comme l'indiquait Tchekhov :
"Je mène tout l’acte tranquillement et doucement,
mais à la fin, pan dans la gueule du spectateur !".
Ainsi, les actes s'entendent de scènes picturales époustouflantes
qui, des maitres flamands au grotesque viennois, préfigurent
les chutes et événements à venir.
Philippe Adrien a réuni une distribution homogène,
et de talent, ce qui ne gâte rien, pour porter un texte,
dû à la traduction de Vladimir
Ant, qui s'avère novateur, moderne, presque anachronique
parfois, étonnant souvent. Et comme il aime les personnages
de Tchekhov et respecte l'intention de l'auteur, qui n'en n'a
fait ni des scélérats ni des anges, il n'y a pas
ni rôles secondaires, ni caricatures, ni héros,
mais des hommes ballottés par l'existence.
Florence Janas, Allexandrine Serre, Lisa
Wurmser, Jana Bittnerova, Jean-Pol Dubois, Etienne Bierry, Olivier
Constant, Julien Villa, Thomas Derichebourg et Vladimir
Ant assurent leur partition avec beaucoup d'intelligence
et d'humanité autour du rôle titre, superbement
tenu par Scali Delpeyrat pour concourir
à un spectacle de grande qualité.
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