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Interview  (Paris)  16 octobre 2008

On nous avait dit "15 minutes, pas plus, sinon il restera pas de temps pour les photos et la session acoustique" ... et puis on est allé dans un bar pour être tranquille, et puis on avait des choses à dire. Résultat, cette rencontre avec Alex Beaupain s'est un petit peu étendue au delà du quart d'heure ... et en plus dans sa grande gentillesse il a tout de même pris le temps de poser pour le photographe et de nous faire 3 titres en live...

Décidément un Garçon d'honneur cet Alex.

Première question en forme de bilan des trois précédentes années. Il y a eu un premier album dont on avait parlé dans nos colonnes, il y a eu une BO remarquée et maintenant cet album. Dans la première interview que tu nous avais accordée, tu disais que tu faisais de la musique pour films, jusqu’à faire Les Chansons d’Amour, mais que la finalité était de faire un album à toi. Peux-tu nous faire un bilan de ce qui s’est passé depuis tout ce temps ?

Alex Beaupain : Bien sûr. On va le faire très simplement. Garçon d’Honneur, mon premier disque, est sorti, et s’est gentiment – gentiment mais quand même – mangé un bide comme plein d’albums de chanteur de 30 ans qui sortent et qui ne marchent pas. J’ai eu la chance de ne pas du tout être lâché par ma maison de disque qui, après Garçon d’Honneur, m’a dit très vite qu'il fallait faire un deuxième album. Je leur ai dit que j'avais des musiques de films à faire pour mon pote Christophe Honoré.

Donc, on a enchainé Dans Paris et Les Chansons d’Amour. Christophe a eu l’idée Dans Paris de mettre une chanson à moi qu’il connaissait déjà et qu’il a fait chanter. Il avait une scène de dialogues qu’il n’arrivait pas à écrire et il trouvait qu’une chanson était vachement mieux pour raconter cela. Drôle d’idée, on le fait, Christophe s’aperçoit que cela fonctionne. Cela faisait longtemps que l’on tournait autour de l’idée de faire une comédie musicale.

Tout de suite après Dans Paris, qui avait plutôt bien fonctionné pour un film sur des économies un peu compliquées, Christophe avait envie de faire un film pareil, hyper vite, que l’on tourne en 8 semaines dans Paris, à l’arrache, avec pas beaucoup d’argent. Mais ce que j’avais envie de raconter, c'était une histoire de deuil qui m’est assez personnelle et qui l’est aussi pour Christophe puisque que c’est un ami à moi depuis très longtemps. J’en avais parlé dans certaines chansons, lui dans certaines séries. Comme on s’est rendu compte que cela marchait finalement de faire chanter les acteurs, il s'est dit qu'on allait faire un film articulé autour de mes chansons. Partant de là, il prend 5 ou 6 chansons de Garçon d’Honneur, mon premier album, et commence à écrire un scénario qui raconte cette histoire.

Je lis son scénario, je réécris des chansons et tout ça se fait à une rapidité… Il me propose cela début septembre, le 15 octobre le scénario et les nouvelles chansons sont finis, en novembre on commence à caster les acteurs et je commence à les faire répéter, en décembre on rentre en studio pour deux semaines pour faire tous les instrumentaux et toutes les voix des acteurs. En même temps cette rapidité, cette urgence était assez chouette parce que cela m’a permis de rencontrer Frédéric Lo que j’adorais parce qu’il avait fait l’album de Daniel Darc, Crève Cœur, et j’avais très envie de travailler avec lui. Il accepte de venir le faire, complètement affolé parce qu’en même temps, il travaille sur l’album de Stephan Eicher et nous dit : vous êtes fous, vous ne vous rendez pas compte, il n’y a pas assez d’argent pour faire chanter des acteurs en deux semaines, vous êtes cinglés.

Finalement, on le fait, ça se passe très bien, vraiment dans une espèce d’inconscience totale, dans une euphorie et une urgence vraiment créative pour le coup. Souvent on dit que quand on fait des choses de façon toute pourrie, on dit que l’on va les faire de façon encore plus pourrie, comme ça, ça fera un style… Ce n’était pas du tout le but, ce n’était pas que cela fasse cheap, que ce soit moche, etc. Les choses s’enchainent, le film est tourné avec les chansons que l’on avait enregistrées, on commence à rentrer en mixage.

Au même moment, le festival de Cannes appelle en disant qu’ils aiment bien le film et qu’ils vont le prendre en sélection officielle. Le film sort en même temps que le festival, donc même pas le temps de se poser la question de quand ça va sortir, cela marche bien pour un film d’auteur, la BO se vend… A partir du moment où en gros j’ai arrêté Garçon d’Honneur et j’ai fait Dans Paris et les Chansons d’Amour, il y a eu une espèce d’enchainement de choses assez rapides – on n’a fait que travailler – assez joyeuses, dans de la création assez agréable qui continue et qui mène jusqu’à commencer à faire mon deuxième album avec Frédéric Lo. Au moment où on le termine, on me dit que je suis nominé aux Césars, je vais aux Césars et je chope un César. Vraiment le truc où l’on ne se rend compte de rien. J’aurai voulu le faire exprès que je n’aurai pas fait mieux. Voilà comment on arrive là.

Cet album s’est préparé aussi dans l'urgence, juste après le film ?

Alex Beaupain : De ce qui est de la composition des chansons, ce sont des chansons que j’ai écrites entre la fin de Garçon d’Honneur et maintenant. J’avais quand même des moments où, chez moi, j’écrivais des chansons sur mon piano. Quand on a eu fini le film et passer Cannes – le film est sorti en mai –, on s’est vu en été avec Frédéric et il a écouté des maquettes. On a réfléchi, on a pré-produit les choses, on s’est vu de temps en temps comme ça. On est rentré en studio en janvier, on avait tous les titres que l’on voulait arranger et on en est sorti au mois de mars, mixage et masterisation comprises. Une fois de plus, cela a été assez rapide. Avec Frédéric, sortant des Chansons d’Amour, on avait le sentiment assez prétentieux que l’on était invincible, que l’on pouvait faire des choses vite. On aimait bien cette contrainte de temps et d’argent qui, je crois, permet des choses bien, malgré tout. Encore une fois, le but n’est pas du tout que ce soit cheap sur le disque et que ce soit tout pourri. Il n’y a pas du tout cette idée là chez Frédéric ou chez moi : on est très attentif à la qualité du son et des arrangements, mais on ne sent pas obligé de passer par un an et demi de studio, un an et demi de douleur, pour que ce soit réussi. C’est un mythe qui, en ce qui me concerne, ne fonctionne pas.

Cet album a été fait relativement rapidement…

Alex Beaupain : Disons que là, on a eu 4 semaines pour le faire et que l’on avait eu 2 semaines pour faire les Chansons d’Amour. Pour faire les prises, j’entends. C’est assez rapide, effectivement.

Quand c’est posé, c’est posé. Il n’y a pas de regrets ?

Alex Beaupain : Non, parce que cela n’en finit pas sinon. On sait comment sont les créateurs : quand on donne beaucoup d’argent à quelqu’un comme Stanley Kubrick, on attend 10 ans avant qu’il sort un film. Pour les français, c’est Polnareff, Christophe ou Bashung.

C'est quelque chose que j’ai un peu appris de Christophe Honoré dans la façon qu’il a de faire des films. On le sait que le cinéma d’auteur, c’est très difficile à financer. Pour ça, Christophe dit : on va les prendre à leur propre jeu, on va les prendre au dépourvu. On va partir avec 1 million, pas d’avance sur recette, on va faire les choses même si on va en chier parce que l’on n’a pas beaucoup d’argent. Au bout du compte, il a raison parce que ses films sont viables économiquement, c’est-à-dire qu’il se les fait rembourser. Il fait des choses qui ne sont pas plus ou moins bien et il a une cinématographie à son âge qui est consistante. J’aime bien l’idée de se dire que pour la musique, c’est pareil. D’accord, on ne vend plus de disques, d’accord c’est de plus en plus difficile. Mais, au bout d’un moment, si l’on ne passe son temps qu'à se plaindre, ce n’est pas comme cela que l’on va faire avancer les choses.

J’ai la chance d’avoir rencontré Frédéric qui fait des efforts, des musiciens qui se sentent très impliqués. Ils savent qu’ils travaillent pour moi et pour Naïve qui est un label indépendant, ils font aussi des efforts sur certaines prétentions que peuvent avoir d’autres gens et du coup, le résultat n’est pas moche. Je n’ai pas la sensation que l’on sente à l’écoute de 33 Tours, que l’album est moins produit ou produit avec moins d’argent et de temps qu’un autre album. Quand on est entouré de gens de talents, cela peut tout à fait fonctionner.

Pour revenir précisément à 33 Tours, 33 tours = 33 ans, c’est ça ?

Alex Beaupain : Oui, ce sont les paroles en tout cas de la chanson "33 Tours".

C’est un clin d’œil ?

Alex Beaupain : Bon, à la limite j’ai 33 ans, alors j’écris un album qui s’appelle 33 Tours. J’aime bien l’idée, dans cet album, de ne pas hésiter à user de références qui étaient les miennes : la pop française des années 80, certains groupes comme le Velvet ou certaines chansons, certains sons aussi comme le synthé ou d’autres choses que j’aimais.

Tu ne te cache pas d’apprécier Elli et Jacno notamment ...

Alex Beaupain : Par exemple, oui. J’aime profondément les chanteurs ou les créateurs qui ont de la mémoire et qui n’hésitent pas dans leur création à user de références et à les citer très clairement. J’ai l’impression parfois que les chanteurs ont peur que cela leur ôte de la personnalité alors que je trouve, au contraire, que cela leur en ajoute. Ce qui donne de la personnalité, ce sont des gens qui savent d’où ils viennent et qui le racontent dans ce qu’ils font. Le but n’est pas de faire de la parodie ou du plagiat, évidemment qu’il faut essayer de passer cela par ce que l’on raconte, par ces textes. J’ai l’impression que par mes textes et mes thématiques, je peux me permettre ça.

Je ne me l’étais pas permis dans Garçon d’Honneur, pour plein de raisons. C’est un album beaucoup plus lisse musicalement. Et je comprends pourquoi. Je ne blâme pas du tout mes producteurs de l’époque qui avaient raison et qui essayaient de mettre mes chansons en avant, ma voix. C’était la première fois qu’on les entendait, donc on était obligé quelque part d’en passer par là. Là, j’ai eu envie – je l’ai dit très tôt à Frédéric qui l’a très bien compris – de faire ma discothèque dans ce disque et en même temps, cela allait être cohérent parce que quand on a des goûts, ils sont fatalement cohérents. Je ne crois pas à l’éclectisme. Enfin, je ne crois pas aux gens qui me disent : moi j’aime tout, je suis éclectique. Pour moi, tu aimes tout, tu n’aimes rien ! Si tu aimes telle personne, tu ne peux pas aimer telle autre personne, qui te propose totalement autre chose.

J’ai l’impression que la cohérence de l’album vient de là aussi. J’aime bien cette idée parce que je me permets de le faire dans mes textes, de citer vraiment très précisément, éhontément des morceaux de textes des gens que j’aime bien. Cela ne se voit pas forcément.

C’est un jeu ou plus un clin d’œil ?

Alex Beaupain : Non, ce n’est pas un jeu. Là, cela va devenir très prétentieux… (rires) La création contemporaine, pour employer un grand terme, est faite comme cela finalement, de reprendre des samples, des collages. C’est la façon dont on assemble le tout et dont on raconte des choses grâce à ça qui fait que cela a de la personnalité et que ce n’est pas qu’une compil’ de choses, ce qui n’aurait aucun intérêt. Les artistes que je préfère profondément sont les artistes qui utilisent leurs références et qui utilisent ce qui s’est passé avant. C’est idiot mais l’expo Picasso qui a lieu à Paris ces temps ci, c’est voir que Picasso est un des plus connus et sans doute l’un des plus grands peintres du XXème siècle et que tout ce qu’il a fait – ce n’est pas tout ce qu’il a fait parce qu’il y a mis de sa personnalité – c’est remixer des thèmes. Alors quel plus bel exemple d’artistes contemporains que Picasso ! Cela a l’air très cérébral comme ça mais c’est beaucoup plus intuitif quand je le fais, évidemment. J’écoute juste un morceau et je me dis : tiens, comment il a fait ça ? J’essaie de le refaire et je le fais mal du coup, cela ressemble à ce que je fais moi, cela prend ma patte à moi.

L’ambiance de l’album n’est pas très optimiste dans l’ensemble.

Alex Beaupain : Pas pouic-pouic ! On peut le dire… (rires)

Il y a toujours un côté pas forcément triste mais emprunt d’une grosse mélancolie. Tu disais lors de ta précédente interview que c’était de choses personnelles dont tu t’inspirais. J’imagine que c’est toujours le cas ?

Alex Beaupain : Oui, des histoires de rupture, de deuil, qui vont commencer à être faibles, d’ailleurs. Deux albums et un film, il va falloir passer à autre chose maintenant ! (rires)

Justement, dans la dernière chanson de l’album, "Pas grand-chose", on a l’impression…

Alex Beaupain : ... D'un besoin de clôture et d’apaisement. Dire qu’à un moment, c’est fait. Grâce à cette chanson, je peux passer à autre chose. En même temps, je ne regrette absolument pas d’avoir écrit peut-être dix chansons sur le sujet, voire plus.

Je parle toujours des chanteurs que j’aime bien pour une raison assez simple parce que si je fais cela, j’ai aimé des gens, tout simplement. Je me mets à mon piano quand j’entends une chanson nouvelle ou ancienne et je me dis : ouah, c’est trop de la balle, ça me donne trop envie, ça me motive.

Les gens que j’aime bien sont les gens qui ressassent – ce n’est pas un très joli terme –, qui ont des obsessions, des thèmes et qui essaient de les écrire de façon différente à chaque fois. Sur le deuil, la mort de quelqu’un que l’on aime, on peut écrire 40 chansons. On connaît bien des poètes qui ont écrit des recueils entiers ! Après Garçon d’Honneur, les Chansons d’Amour et cet album, il était temps quand même, malgré tout, d’explorer d’autres choses. J’essaie de le faire déjà, dans 33 Tours, de clore quelque chose. Effectivement, "Pas grand-chose" est une vraie chanson d’apaisement qui vient clore cela, c’est-à-dire que les chansons qui existaient là-dessus étaient peut-être plus tumultueuses, plus immédiatement tragiques et celle-ci devient plus douce et plus apaisée.

En accompagnement de cette chanson, on retrouve des cordes mais c’est essentiellement du piano.

Alex Beaupain : On dirait quelque chose de très minimal, oui. Le piano est le seul instrument dont je sais jouer. Il y a du clavier et du synthé dans l’album mais on retrouve le piano sur trois titres : "33 Tours", "Pas grand-chose" et… (Alex Beaupain réfléchit)… Deux titres peut-être alors ! (rires)

J’aime vraiment la pop pour sa formation basse-guitare-batterie, quelque chose de très musical dans les arrangements que j’aime bien, ce qui ne m’empêche pas pour certaines chansons de revenir à un arrangement minimal. Là, on revient clairement à l’os de la chanson. Le balancement, c’est le mien, c’est comme cela que je l’ai écrite pour la première fois. J’aime bien ne pas le faire pendant tout l’album. Si je chante parce que j’aime des chanteurs, je ne fais pas des choses aussi parce que j’en déteste d’autres. Par goût. Il y a certains albums où ce n’est qu’au piano et ça me gave. Quand j’écoute mes maquettes au piano, je me dis : Oh ! C’est super chiant !

Je trouve que cela met d’autant plus en valeur cette chanson. D’abord, elle arrive maintenant – je suis malin, je le sais quand même ! (rires) En plus, c'est une des rares justement où l’on ait qu’un piano et un quatuor et tout d’un coup, elle prend un relief. Si on la glisse avant, quand elle arrive, on s’en fout ! C’est aussi un équilibre, un album.

C’est une chanson derrière laquelle on ne peut rien mettre non plus.

Alex Beaupain : Ah ! Typiquement. C’est vraiment la dernière et cela fonctionne comme ça du coup. Mais parce que l’on s’est permis de passer par pleins d’autres étapes avant. C’est aussi un album, c’est un ensemble cohérent, ce n’est pas un enfilage de chansons, une compil ou un florilège.

C’est aussi le côté atypique de tes bandes son ou de films. C’est une unité maintenant que l’on retrouve de moins en moins dans les bandes sons piochées à droite à gauche.

Alex Beaupain : Quand Christophe me propose, je fais de la bande originale de film alors que les gens ont tendance à prendre des musiques additionnelles voire chez les américains – cela devient encore plus étonnant – ils ont un disque qui sort avec tous les titres additionnels et un disque qui sort avec la musique originale. Ils font cela aussi sur le film Mesrine où il y a un disque qui sort avec la musique originale et un disque aussi qui sort avec la tronche de Cassel dessus, où ce sont tous les titres autour ou qui ont pu être inspirés, le frère de Cassel qui fait un rap, etc.

C’est le cas aussi de Ghost Dog.

Alex Beaupain : Voilà ! Ghost Dog, ça assurait un peu quand même ! L’autre disque aussi, le truc autour du film avec RZA.

Quand je fais des musiques de film, je travaille principalement avec Christophe Honoré. J’aime bien l’idée soit qu’il ne fasse pas appel à moi, soit juste pour une chanson et qu’il utilise de l’additionnel. C’est ce qu’il a fait sur la Belle Personne, le film qui est passé sur Arte. S’il fait appel à moi, il prend de l’additionnel parfois parce qu’il en aura besoin, mais je m’attache toujours à lui construire quelque chose.

Donc cela revient à faire un album, finalement. Pour toi, tu as deux albums et une BO ou trois albums ?

Alex Beaupain : Non, quand on fait une BO, la finalité est que cela serve au film et pas de sortir un disque. Par contre, quand il s’agit de sortir la musique de film en disque, je suis capable de sacrifier certains morceaux ou d’en raccourcir certains pour que cela fonctionne au format disque. L’idée n’est pas de prendre le truc, de le copier-coller et de plaquer l’ensemble parce que sur un disque, cela ne marche pas pareil qu’au cinéma, évidemment. C’est le cas Dans Paris qui est une BO très jazz. Je me rappelle que l’on a beaucoup retravaillé les morceaux. On en a coupé certains, on ne les a pas tous mis, on les a repris dans un ordre qui n’est pas celui du film parce qu’il fallait que cela fonctionne en disque. Ce n’est pas le même travail pour moi.

Est-ce que tu vas faire de la scène ? Le public va-t-il s'attendre à ce que tu joues les Chansons d'Amour ?

Alex Beaupain : Oui, on en a déjà fait. Le public s'y attend et c'est normal. Le film a pris beaucoup de place bien sûr et en même temps, m'a beaucoup aidé.

J'ai fait de la scène en deux étapes : l'année dernière, les tourneurs qui sont très malins m'ont dit : on va profiter des Chansons d'Amour pour te mettre sur scène et te préparer pour le deuxième album. Cela s'est passé de façon assez naturelle : j'ai fait les Chansons d'Amour, quelques unes du nouvel album qui fonctionnaient pour certaines, d'autres moins. Et là, on est passé à un effet de bascule : on a fait la Boule Noire deux soirs, où on a commencé à faire plus de chansons du deuxième album. Pour l'instant, j'ai l'impression que ça fonctionne très bien. Il y a sans doute des gens qui sont déçus, il y a sans doute un public des Chansons d'Amour qui ne suivra pas cet album mais tant pis.

C'est vraiment un public qui s'est greffé sur un public plus initié.

Alex Beaupain : J'ai eu cette chance aussi de faire revivre des chansons par un film, cela n'arrive jamais quand même. Garçon d'Honneur serait mort et enterré, ces chansons n'existeraient pas sans le film et le mini-barouf qui a eu autour. Je suis très content de ça. La difficulté sur scène va être de me les réapproprier, de les reprendre à mon compte et cela passe par des arrangements différents. C'est un travail assez existant aussi de donner des formes à des chansons en fonction. C'est le plus rigolo dans ce métier sinon on se fait chier.

Tu as assez bien résumé ton attirance pour la pop. Enfin quelqu'un qui aime la pop française !

Alex Beaupain : Oui, les gens ont honte, je ne comprends pas pourquoi, il y a plein de trucs bien.

Tu es plus Delerm ou Marchet ?

Alex Beaupain : Florent Marchet ? Ah ! Je suis plus Marchet, vraiment beaucoup plus. En même temps, ni l'un ni l'autre ne font ce que j'aime forcément.

Delerm est dans une nouvelle scène française, très chanson française, finalement. Je crois que je l'aime bien, lui, Vincent, pour plein de raisons. Parce qu'il est très classe. Je trouve que c'est un garçon qui, humainement, est vraiment très chic et l'a été beaucoup avec moi. Ce qu'il propose musicalement n'est pas fatalement ma tasse de thé. J'ai l'impression d'être plus proche de ce que propose Florent que je connais aussi, plutôt bien. D'un côté, on a Vincent qui fait de la chanson française et de l'autre côté, Florent qui fait presque du folk, maintenant. Il est plus parti dans un plan plus folkeux. Alors je suis pas plus l'un ou l'autre, je suis plus au milieu.

J'avais lu une critique très méchante sur moi que j'adorais quand les Chansons d'Amour étaient sorties. Ces "enfoirés" de Technikart – on peut le dire, ça me fait rire, j'adore les critiques méchantes parce que ce n'est pas tiède au moins, soit on adore, soit on déteste, j'aime bien ça – avaient dit que Christophe Honoré, pour ce film qu'ils trouvaient un peu minable, avait fait appel à Alex Beaupain : un mélange étrange et assez éprouvant, entre Daho et Delerm. Et quelque part, j'ai pris ça pour un très très beau compliment : Delerm apporte de l'attention à ses textes, je lui reconnais d'avoir une certaine élégance d'écriture qui me plait assez. Entre les deux, entre Daho et Delerm, je trouvais cela assez bien.

Toujours dans la même série, Daniel Darc ou Alain Chamfort ?

Alex Beaupain : Ah… Je crois que j'aimerai bien être Daniel Darc parce que c'est un vrai héros. Mais profondément, je suis beaucoup plus Alain Chamfort. Parce que je me reconnais plus dans son personnage, parce que je ne suis pas une tête brûlée comme peut l'être Daniel. Je suis beaucoup plus un garçon discret comme peut l'être Alain Chamfort. J'adore les deux, je trouve qu'ils proposent des choses vraiment intéressantes.

Et un dernier choix cornélien : plutôt Christophe ou plutôt Daho ?

Alex Beaupain : Daho ! Définitivement.

"Je veux" est assez amusant par cette mélodie ludique et son texte qui part complètement dans un désenchantement total. C'est ton état d'esprit ça, d'être toujours sur le fil ?

Alex Beaupain : C'est une idée très pop, pour le coup, aussi. Parler légèrement des choses graves, c'est très clairement inspiré directement d'"Amoureux Solitaires" d'Elli et Jacno quand ils avaient écrit pour Lio. Une petite niaiserie très mignonne quand on écoute la chanson mais quand on écoute le texte, on se dit : Wooaahhh !!! C'est profondément désespéré ce que ça raconte.

Il y a un garçon qui s'appelle Arman Méliès, qui a sorti un album que j'adore. Je trouve que son album est vraiment superbe. Que ce soit dit, c'est l'un de mes albums français préférés de l'année mais par contre, faire une reprise d'"Amoureux Solitaires", c'est un contresens total parce qu'il met en avant justement tout le désespoir du texte avec sa musique et je trouve que ça ne fonctionne plus. L'intérêt et l'élégance de la chanson est le contraste sur le fil entre les deux. Quand il fait ça, j'ai envie de lui dire : non, c'est idiot, ce n'est pas cela qu'il faut faire. Et c'est presque ça quand j'ai eu le texte et quand j'ai parlé avec Frédéric, je voulais que l'on revienne à cette idée là.

"Amoureux Solitaires" est une chanson que j'ai écoutée quand j'étais petit, qui m'amusait, sur lequel on danse mal mais comme on est petit, on danse. Les chansons ont plusieurs vies car quelques années après, quand on est ado, on réécoute le texte et tout d'un coup, on a une révélation : des mots que l'on comprend tout d'un coup. Généralement, j'appelle ma sœur et je lui demande : tu avais compris que dans cette chanson il parlait de cela ? C'est là où les chansons m'émeuvent le plus, quand une chose que l'on a écoutée 150 fois et à la 151ème fois, on a une découverte, une révélation qui éclaire le truc complètement différemment. J'adore ça.

Tu parles souvent de cette chanson, "Amoureux Solitaires". C'est ta chanson de chevet ?

Alex Beaupain : C'est une chanson importante. C'est LA chanson des années 80, pour moi. Ce n'est pas forcément la mieux écrite, mais je trouve que c'est la chanson qui synthétise le mieux ce que la pop française a essayé d'apporter dans les années 80, sur quoi on est vachement revenu d'ailleurs, en disant après : non, mais attendez, en France, c'est de la chanson à texte.

Il s'est passé un truc dans les années 80, il y a des "jeunes gens modernes" comme on disait qui sont arrivés et qui ont dit : on va vous parler de nos vies, de comment on sort dans les clubs, avec plein de mots qui sont maintenant un peu ringards. On va faire ça sur des musiques légères et cela va être profondément désespérant, c'est très triste ce que l'on raconte. Et cela allait avec tout un mouvement d'écrivains américains comme Bret Easton Ellis. Il y avait tout un ensemble autour qui était très cohérent et très moderne. Comme dans les années 90, on est revenu à des choses plus folk – j'aime beaucoup, j'écoutais encore ce matin Leonard Cohen, c'est formidable, indépassable – je n'en fais pas une prise de position mais j'ai l'impression que même la nouvelle chanson française a tué un peu ce truc là en disant : attendez, on va revenir à de la chanson à texte. Et je trouve cela dommage parce que je trouve que la modernité était plutôt de ce côté-là.

Tu te sens là-dedans, dans cette nouvelle scène qui n'est plus très nouvelle ?

Alex Beaupain : Non, j'ai toujours été un peu à côté, je suis arrivé et j'ai essayé bien après eux. Je suis passé par autre chose, par des musiques de films. J'ai l'impression d'avoir un parcours un peu à côté de tous ces gens là. Je ne les connais pas bien d'ailleurs, je ne connais personne. Enfin, je connais un peu Vincent Delerm, un peu Florent Marchet qui est un peu à côté, surtout maintenant qu'il propose des spectacles… Non, je me suis toujours senti un peu à côté de ça en fait, pas par choix, par les faits.

Sur cet album, il y a une chanson qui parle de la mer qui, par certains côtés, s'approche un peu du Dominique A.

Alex Beaupain : "A la Mer" ! C'est marrant parce que quand Frédéric a entendu cette chanson, il a dit : tiens, cette chanson, on dirait Dominique A. Vraiment ! (rires) Je la joue au piano normalement et le guitariste François est arrivé et a commencé à jouer une espèce de "ding dagadagading dagadagading" très Dominique A, ternaire et tout de suite on s'est dit, effectivement c'est Dominique A. C'est quelqu'un que j'ai beaucoup écouté, qui était là avant toute cette chanson française. D'un côté, il y avait Miossec, Dominique A, Catherine, Autour de Lucie aussi, des gens comme ça. Dominique A a été quelqu'un de très important à un moment donné, surtout sur son deuxième album "Si je connais Harry", que beaucoup de gens n'aiment pas, que les gens trouvent un peu toc. C'est un album incroyable. J'avoue avoir eu un petit problème au début : plus ça avançait, plus je trouvais que ça se la pétait un peu. Mais il est bien au-dessus de certaines choses même.

Ca me flatte beaucoup que tu me dises cela parce que Dominique A est vraiment une de mes références. Au début, le titre "A la mer", ce n'était pas du tout cela. Mon idée était d'écrire une chanson à la Barbara. Mais en fait, quand on réfléchit, Dominique A vient évidemment de Barbara, dans la façon qu'il a de chanter. J'ai sauté une étape, mais ça vient de là aussi. De la même façon que Daho vient de Gainsbourg. C'est plus l'idée que l'on a de la mémoire, on revient à ce que l'on disait au début.

Tu parles de Gainsbourg. Il y a eu tous ces acteurs qui ont chanté sur tes chansons, il y en a un petit peu sur cet album. Est-ce que finalement, un truc à la Gainsbourg, c'est quelque chose qui te plairait de faire chanter les gens ? Enfin, je parle de Gainsbourg et pas de Biolay…

Alex Beaupain : Clairement dans l'idée. C'est pas mal, Biolay, parfois aussi. (rires) Je pense que Biolay écrit trop de chansons et toutes les chansons ne valent pas le coup de sortir.

Gainsbourg a eu un peu ce problème aussi, il y avait peut-être moins de déchets.

Alex Beaupain : Il y en avait mais certains trucs sont sacrés quand même. Quand j'ai découvert Gainsbourg - je me rappelle, c'était à 14 ans, c'est l'un des premiers chanteurs que j'ai écouté sans que ce soit un chanteur imposé par mes parents quelque part –, j'ai acheté l'intégral et j'ai eu l'impression de plonger dans un univers.

C'est ça Gainsbourg : on part d'un disque, Je t'aime moi non plus, dans l'intégral qui est le disque du milieu avec Melody Nelson, on remonte vers la période Rive Gauche, on part dans l'autre sens, on ne peut plus s'arrêter. On commence à acheter les disques des actrices, les biographies, à regarder les films et tout d'un coup, on découvre ce que c'est un chanteur qui ne fait pas que faire un florilège de chansons mais qui fait œuvre.

Cela va être très prétentieux – tant pis, je m'en fous – mon but, c'est ça, c'est de faire œuvre. C'est-à-dire avoir des thèmes qui reviennent et que je ressasse, que mes chansons se retrouvent dans des films de Christophe, que cet univers s'élargisse, que j'écrive pour des actrices, pour des acteurs, etc. Sans copier Gainsbourg parce que je passe par autre chose mais Gainsbourg aussi faisait de la musique de film – il y a un long-box qui est sorti avec trois cd de musiques de film – qu'il faisait beaucoup avec des arrangeurs comme moi je le fais d'ailleurs. C'était un escroc aussi mais c'est ce que j'adore chez lui (rires). Un escroc qui a du talent, tellement de personnalité que ça fonctionne.

Le but n'est pas d'être Serge Gainsbourg évidemment, de ne pas avoir les mêmes thèmes et la même provocation, mais dans la façon qu'il a eu de créer un univers très cohérent et de finir par faire œuvre quelque part. Très clairement, c'est l'exemple pour moi ultime en France du gars qui a fait cela. Oui, j'en suis qu'au tout début...

Retrouvez Alex Beaupain
en Froggy's Session
pour 3 titres acoustiques en cliquant ici !

 

 

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Crédits photos : Laurent Hini (la série complète sur Taste of Indie)


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