Comédie
dramatique écrite et mise en scène par Adélaïde
Pralon, avec Dimitri Michelsen, Claire Le Goff, Ronan le Nalbaut
et Franklin Roulot-Marrec.
Dans la salle d'attente, ils sont trois, répondant
à une mystérieuse convocation. Qui les a fait
venir et pourquoi ? Ces questions s'mposent assez rapidement
au spectateur. Ils attendent donc, tandis qu'un employé
qu'ils ne voient pas mais dont ils perçoivent la
présence, semble paralysé et communique à
l'aide d'un micro à une puissance invisible.
Après "Chacun chez soi", sa première
pièce, qui avait révélé Adelaïde
Pralon, l'auteur-metteur en scène récidive
mais avec un spectacle beaucoup plus grinçant cette fois
: une comédie acerbe où peu à peu des individus
opposés se retrouvent en huis-clos, tels des insectes
en boite et bien-sûr, très vite la tension monte,
frustrations et névroses sont mis à jour et s’exacerbent.
Comme la précédente pièce qui observait
un grand immeuble au bord de l'asphyxie, Adelaïde
Pralon poursuit dans sa voie et s'impose comme une remarquable
observatrice de notre société et des rapports
humains. Ici, telle une expérience d'entomologiste,
elle dissèque au microscope les relations entre les protagonistes
livrés à eux-même dans une situation oppressante
où tout se dérègle.
On pense à Kafka pour la satire de la bureaucratie et
l'enfermement, Beckett pour l'absurde et le pessimisme,
Ionesco pour le grotesque. Mais on voit surtout le talent d'une
metteure en scène travaillant au plus-près de
ses comédiens et les dirigeant avec justesse et précision
pour en livrer "quatre spécimens humains" inquiétants
et pathétiques.
Les comédiens sur lesquels repose la pièce sont
tous excellents. De la femme (Claire Le Goff époustouflante
de fêlure et de folie et qui fait terriblement penser
à Annie Girardot jeune) au serrurier primaire et bellâtre
(Franklin Roulot-Marrec, lui c'est plutôt Depardieu par
la force qu'il dégage...). Il y a aussi Dimitri Michelsen,
absolument réjouissant en personnage maniaque et phobique
au dernier degré, quelle belle composition !
Enfin, Ronan Le Nalbaut crée un employé burlesque
et inquiétant à souhait. Tous sont plongés
dans une situation extrême qui les pousse dans leurs retranchements
et nous les montre dans le prisme d'un miroir déformant.
Mais c’est la solitude qui domine. Une angoissante et
bouleversante solitude.
Ces "Combinaisons"
multiples servies par le talent de naturaliste de cette auteure
talentueuse et la verve de cette compagnie sont un régal
et, excepté une petite baisse de rythme dans la deuxième
partie, on passe un moment succulent avec ce texte percutant
qui nous parle avec farce et angoisse de rien d'autre que de
nous-même.
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