Atelier d'interprétation dirigé par Alfredo Arias, avec Benjamin Abitan, Aymeline Alix, Camille Cobbi, Lionel Dray, Karl Eberhard, Kevin Lelannier, Frédéric Noaille, Chloé Oliévrès, Pauline Ribat et et Mathieu Sampeur.
En octobre 2008, les élèves de 3ème année du Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique avaient présenté deux travaux réalisés dans le cadre d'atelier danse et de jeu de masques qui donnaient vraiment envie de les voir dans le cadre d'un atelier d'interprétation.
Voilà chose faite avec "Le lézard noir" de Yukio Mishima dont le premier acte a été travaillé sous la direction de Alfredo Arias, comédien, metteur en scène d'origine argentine, fondateur du légendaire groupe théâtral TSE, dont on connait l'intérêt pour cet auteur (il a monté et joué "Madame de Sade" au Théâtre National de Chaillot).
Contrairement à ses homologues, Alfredo Arias s'adresse au public in limine avec un préambule pour lui indiquer qu'il s'agit d'un travail de maîtrise sur les rôles principaux, et non d'un spectacle précisant que présenter un spectacle au terme de six semaines de travail serait présomptueux, et donc que les élèves sont "à la naissance de l'interprétation".
Autre singularité, plutôt que de faire tourner les élèves sur lesdits rôles au long de la pièce, il a choisi de se focaliser sur le premier acte en présentant 8 versions dudit acte avec une distribution différente.
Observation liminaire, et au risque de déplaire à Alfredo Arias, le travail présenté, avec décor, costumes et mise en scène, est déjà très avancé. Un travail sur une pièce adaptée d'un roman lyrico-policier de Edogawa Rampo, qui raconte les aventures rocambolesques et étranges d'une Fu Manchu nippone, ravisseuse d'une héritière midinette qui lui inspire des sentiments ambigus, poursuivie par un séduisant et futé détective dont elle tombe amoureuse.
Alfredo Arias a opté pour une scénographie épurée de cimaises transparentes, qui évoquent les shojis japonais, propices aux jeux de lumière qui introduisent une dimension supplémentaire avec, en parallèle, le jeu du théâtre d'ombres et un rythme extrêmement lent qui distille une inquiétante étrangeté à une intrigue somme toute banale derrière laquelle se lovent des considérations bien plus profondes.
Cet exercice est édifiant, au moins dans son cadre, car il permet d'apprécier, et, inéluctablement de comparer, à partir d'un travail commun et de directives sans doute similaires, la différence des prestations présentées selon les moyens des élèves et, comme l'a indiqué Alfredo Arias dans sa longanimité, selon leur proximité avec le rôle.
Dans les deux versions présentées ce soir-là, la comparaison est saisissante entre ceux qui "sont" le personnage, et pas seulement parce que celui-ci leur est proche, un comédien ayant vocation à jouer tous les rôles, et ceux qui "jouent" le personnage. Ce qui conforte l'impression déjà dégagée dans d'autres travaux, pour ceux qui ne sont pas cantonnés à un emploi ou à un registre.
Trois personnages principaux et un trio de comédiens qui imposent leur différence, comme leur timbre de voix, l'adéquation de leur interprétation à l'univers de la pièce, leur potentiel et le métier dont ils ont déjà acquis les bases techniques, telles la respiration, l'inflexion, la note unique adaptée à la situation et au sentiment du personnage, et leur potentiel : Camille Cobbi, la brune incendiaire, et Aymeline Alix, la blonde aux traits flamands, dotées d'un vrai physique, qui n'est pas un physique de jeune première et qui se démarque heureusement avec celui, un peu uniforme, de certaines jeunes actrices et Matthieu Sampeur.
A suivre.