Question chanson française, on a connu des années de disette.
Mais il faut bien avouer que depuis quelques temps (depuis les quotas ?), la langue de Molière fait de plus en plus d’adeptes. C’est sûr qu’on y trouve du bon comme du moins bon, la quantité n’étant pas gage de qualité. Cependant, la production nationale s’améliore et donne à voir des jeunes prometteurs. Le dernier petit venu s’appelle Bensé et donne dans le folk.
Ça se bouscule au portillon. La chanson française (terme générique pour parler de quiconque chante dans notre langue) a le vent en poupe. Pourtant, le chemin est pentu et accidenté. L’extrême hardiesse de la chose consiste à offrir une musique originale et un texte pas trop con (essentiel point de divergence d’avec nos amis anglophones), le tout porté par des mélodies accrocheuses. Public exigeant, l’auditeur de chanson francophone n’accepte pas n’importe quoi et se lasse alors du langage SMS pour se montrer amateur de jolies tournures, voire d’une pointe de poésie. Ainsi une double exigence s’impose alors au pauvre petit musicien français qui voudrait percer chez lui. La vie est ainsi faite...
Julien Bensé, niçois d’origine, a longtemps roulé sa bosse dans le sud de la France avant de monter tenter sa chance sur la capitale. Il s’est alors produit dans de nombreux bars et petites salles parisiennes rodant son répertoire avant de sortir de sa besace douze chansons dans une lignée folk (plus une treizième cachée) et de les graver sur son premier disque.
L’album très simplement intitulé Album s’ouvre sur le radiophonique "Au grand jamais". Entraînant, le morceau se révèle le plus enlevé de l’album.
Avec des textes joliment tournés, de l’humour et de la sincérité, Bensé se dévoile, raconte des histoires, ses histoires. Il propose des tranches de vie, des portraits le tout énoncé avec simplicité.
Réalisé en collaboration avec Yann Arnaud (Air, Syd Matters, Cocosuma), Album fait dans le spontané. Pas d’excentricités, le folk reste droit dans ses bottes.
L’harmonica présent dès que possible accentue ce petit côté folk singer et dresse un pont vers Mr Dylan. Les références vont ainsi de Neil Young, Springsteen à Maxime le Forestier à qui il emprunte le titre d’une chanson (devinez laquelle !).
Un album personnel, peut-être un peu trop. Il tombe dans l’autobiographique et nous passe en détail sa famille : "Angela", chanson du bayou sur sa nourrice espagnole, "Mon frère" pour... son frère, "Moshé" hommage à son grand-père et "Ma veuve" dédié à sa mère. Pas sûr que ça parle à tout le monde...
Sentant bien une certaine accointance avec la nouvelle scène française, Bensé fait un inventif duo avec Tété, un de ses représentants émérites, pour "Dans ma soucoupe" sur un texte alambiqué de Lanzmann. Et fort d’une belle complicité, il entonne avec Rose, sa compagne dans la vie et pour le coup artistique, "Petite" qui sent le quotidien vécu.
Bensé se raconte et expose sa vie de jeune homme. Ainsi, "Après nous" et "Et si" expriment ses histoires d’amour, ses peurs. Des chansons qui parleront sans doute aux trentenaires qui flippent un peu et se questionnent beaucoup. Enfin, une dernière chanson en anglais, sans titre, conclut sympathiquement l’album dans une joyeuse collégiale foutraque.
Pas de révolution en vue mais du folk de bon aloie. Album est un album (merci pour la répétition !) homogène avec comme principal fil conducteur la guitare acoustique. C’est propre sur lui, joliment tourné mais pour le coup, ça manque un peu de caractère. Rien ne dépasse, comme lavé au savon de Marseille et poli à la pierre ponce.
Ce premier effort reste cependant très agréable à écouter et présage sans aucun doute d’une suite prometteuse. |