Décidément, les critiques et critiqueurs ne sont pas tendres avec les expositions parisiennes sur le Futurisme, première avant-garde artistique qui a joué un rôle majeur au début du 20ème siècle.
Comme "Italia Nova - Une aventure de l'art italien" qui s'est tenue en 2006 au Grand Palais, "Le Futurisme à Paris - Une avant-garde explosive" organisée par le Centre Pompidou en association avec l’Azienda Speciale Palaexpo de Rome et la Tate Modern de Londres, reçoit sa volée de bois verts.
Mais peu lui chaut au visiteur anonyme qui n'est pas historien d'art et qui repartira avec les maximes exaltées du Manifeste du Futurisme imprimés sur flyer : "Nous voulons chanter l'amour du danger l'habitude de l'énergie et de la témérité", "L'immortalité en art est une infamie".
Le mode opératoire de cette exposition, qui annonce le proche centième anniversaire de la naissance de cemouvement, conçue par Didier Ottinger, directeur adjoint au Musée National d'Art Moderne, consiste à repositionner le futurisme, et plus particulièrement sa composante picturale, dans l'histoire de l'art comme source fondamentale de la modernité qui essaima à travers l'Europe.
Au
cœur du dispositif scénographique, la reconstitution
de l'exposition "Les peintres futuristes italiens"
qui s'est tenue en 1912 à Paris, autour de laquelle rayonnent
les autres salles comme le fit cet art nouveau qui ambitionne
d'être, par l'introduction des nouvelles valeurs esthétiques
de la modernité urbaine et technologique, l'équivalent
de l'élan vital cosmique.
La scénographie très géométrique à la palette trichromique, noir- rouge-blanc, qui fait la part belle aux couleurs pétaradantes des toiles, et les salles en étoile desservies par de larges espaces avec des ilots repos-lecture du catalalogue est judicieuse et visuellement réussie.
Le futurisme un feu d'artifice européen à l'aube de la Der des Ders
Venant d'horizons divers, du symbolisme au néo-impressionnisme, un quintet de peintres italiens, Giacomo Balla, Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Luigi Russolo et Gino Severini, regroupés autour du poète Filippo Tommaso Marinetti, auteur du fameux "Manifeste du futurisme" prônent "le dynamisme pictural".
Un dynamisme en réaction au cubisme ambiant représenté, entre autres, par Georges Braque, Robert Delaunay, et Picasso.
Un dynamisme qui se matérialise par une peinture qui célèbre les luttes prolétariennes ("La révolte" de Russolo), soutient les causes politiques ("Les funérailles de l'anarchiste Galli" de Carra), glorifie le progrès technique en célébrant le culte de la vitesse et du mouvement ("Cahots d'un fiacre" de Carra).
Un dynamisme qui exalte les manifestations et réjouissances urbaines ("La Danse du pan-pan au Monico" de Severini, "Luna Park à Paris" de Balla) et l'univers de la ville ("La rue entre dans la maison" de Boccioni).
Le
futurisme va trouver un terrain favorable dans la bonne veille
Europe.
En France, le prosélytisme futuriste rencontre peu de succès dans sa conception originale si on excepte Félix de Mare et Valentine de Saint Point.
En revanche, le futurisme va se décliner en orphisme avec Marcel Duchamp, František Kupka, Robert et Sonia Delaunay et Francis Picabia.
Il va également influencer des peintres comme méthode d'hybridation pour passer au cubisme. Ainsi en est-il pour Juan Gris, Albert Gleizes, Robert Delaunay et Fernand Léger par exemple.
Par
ailleurs, la France va constituer sa plaque tournante, par la
présence à Paris de nombreux artistes étrangers
qui , de retour au pays, participent à sa déclinaison.
Tel est le cas en Angleterre, avec en figure de proue Wyndham Percy Lewis et le vorticisme ainsi baptisé par Ezra Pound.
Il va également essaimer en Russie, avec le cubofuturisme entraîné par Malévitch et même aux Etats Unis avec le synchromisme de Joseph Stella
Un florilège de plus de cent toiles à voir absolument pour apprécier l'influence d'un mouvement fondateur de la modernité et porteur des avant-gardes subséquentes.