Le Cours Cochet jouissent d'une réputation et d'une renommée pérennes mais également d'un succès allant croissant en termes de candidatures. Le nombre d'élèves augmente à chaque "rentrée" et Jean-Laurent Cochet, comédien, metteur en scène et professeur, a fait appel à un de ses anciens élèves pour assurer la direction de ce cours.

Il s'agit de Pierre Delavène auquel Jean-Laurent Cochet rend souvent hommage à la qualité du travail indispensable accompli, et qu'il ne pourrait assumer seul et qui lui permet de se consacrer aux dimensions artistiques de son métier, et à son rôle moteur pour assurer une synergie fondamentale entre le Cours Cochet et la très active Compagnie Jean-Laurent Cochet, dont il est l'administrateur, qui propose régulièrement des spectacles.

Nous l'avons donc rencontré pour évoquer le présent et le futur du Cours Jean-Laurent Cochet, une occupation passionnante mais absorbante et omniprésente, ainsi que de ses projets personnels.

Enfant de la balle ou enfant d'ailleurs ?

Pierre Delavène : Enfant de vigneron que rien ne prédestinait au théâtre. J'ai découvert le théâtre en école d'ingénieur lorsque j’étais à l’Ecole Centrale à Lyon. Sans doute cela devait-il germer dans ma tête depuis un moment déjà - enfant j'aimais bien participer à des sketches mais sans jamais être allé au-delà privilégiant mes études - mais c'est en deuxième année d’école d’ingénieur que j'ai découvert le théâtre et j'ai fait des festivals avec des pièces contemporaines qui ont rencontré beaucoup de succès. Je me suis alors dit que si je pouvais vivre d'un métier artistique au lieu d'être ingénieur ce serait fantastique. A la fin de mes études je suis venu à Paris et un ami m'a conseillé le cours de Jean-Laurent Cochet comme étant le cours à Paris à suivre. Et, quand je suis entré dans ce cours, j'ai constaté que c'était que c'était bien là où je dois être et où je devais être. Cela relevait de l'évidence. Ensuite tout s'est enchaîné très naturellement.

La révélation ?

Pierre Delavène : La première révélation est intervenue en faisant du théâtre à Lyon, et, surtout, en faisant de la scène. Et puis le bonheur infini d'apprendre un texte, de le jouer, même en amateur, cette expérience humaine partager une aventure, j'ai trouvé cela fabuleux. La deuxième révélation est intervenue au cours de Jean-Laurent Cochet. A l'époque, je suivais les cours le matin. L'après midi, je travaillais et je me suis rendu compte que je n'étais pas du tout concentré sur ce travail. J'avais la tête ailleurs et il relevait de l'évidence que je vibrai pour le théâtral. Je pars toujours de la fidélité à l'âme. On peut exercer un métier choisi et y être très heureux, ou exercer un métier purement alimentaire, les deux sont louables, mais on peut le faire sans être forcément en accord avec ses aspirations profondes. Pour ma part, je me suis rendu compte que mon âme était loin du bureau et, au bout de six mois, j'ai complètement abandonné mon activité salariée pour me consacrer pleinement aux cours et à l'apprentissage du métier de comédien.

Comment avez-vous perçu l'enseignement de Jean-laurent Cochet à votre arrivée ?

Pierre Delavène : Auparavant, j'avais suivi quelques cours et stages, mais de manière purement anecdotique, car je m'y amusais beaucoup en faisant des improvisations et autres exercices de ce genre - qu'on ne pratique pas au Cours Cochet - dans lesquels on s'amuse mais sans apprendre la technique du métier. Je m'en suis rendu compte dès les premiers jours au Cours Cochet avec l'apprentissage de la respiration. Et tout ce que j'avais fait auparavant m'apparaissait dérisoire. C'est comme si un pianiste tapait sur un piano, cela fait du bruit mais pas de la musique.

A cette époque, en 2000, Jean-Laurent Cochet était entouré de trois assistants : Jacques Mougenot, Philippe Le Gars et Pierre Trabaud. Donc c'était très agréable. La chance que j'ai eue est intervenue un an après quand Jean-Laurent Cochet est parti en tournée avec "Chat en poche" spectacle pour lequel il cherchait un comédien pour un remplacement et que j'ai été choisi sur audition. Au bout d'un an seulement de cours être choisi, et pour une tournée internationale, m'a fait progresser deux fois plus vite, puisque j'étais entouré de professionnels, et cela m'a donné la chance d'être très vite sur scène et ce sans galérer.

Car la décision de rompre avec une activité d'ingénieur, qui m'apportait un salaire assuré et conséquent, pour assouvir ma passion n'était pas évidente à prendre en termes financiers. Et puis cela m'a conforté dans l'idée que ce choix qui correspondait viscéralement à ce que je désirais était le bon. Ensuite, j'ai joué dans "Doit-on le dire ?" où j'ai commencé par un rôle de valet avant de reprendre un rôle plus important dont le titulaire, très bon comédien, ne pouvait assurer la partie chantée. Deuxième chancie inouïe ! Ensuite, j'ai fait partie tout naturellement partie de la distribution des autres spectacles montés par Jean-Laurent Cochet avec des rôles de plus en plus importants.

Continuiez-vous à suivre les cours ?

Pierre Delavène : Oui, bien sûr. Tout en jouant en tant que professionnel j'ai continué à suivre les cours pendant trois ans. Et il le faut, comme le pianiste fait ses gammes ou le danseur le travail à la barre. Jouer une fois n'implique pas être prêt pour jouer la comédie. Tout se travaille avec le temps, la technique s'acquière, s'approfondit avec le temps. Et c'est Jean-Laurent Cochet qui m'a ensuite proposé de devenir moi-même professeur. Ce qui est également une manière de continuer à travailler, ainsi qu'il le dit lui-même.

Après cette période avez-vous eu des velléités d'aller voir ailleurs ce qui se passait, voire de passer le concours d'entrée au Conservatoire ?

Pierre Delavène : En fait, j'avais déjà vu ce qui se passait dans d'autres cours qui par ailleurs étaient fréquentés par des personnes que je connaissais. Je n'étais donc pas incité à y aller d'autant que j'avais trouvé dans les cours Cochet ce qui me convenait parfaitement. En ce qui concerne le Conservatoire, je n'ai pas souhaité m'y confronter dans la mesure où, connaissant la pédagogie qui y était enseignée - et qui se situait aux antipodes de ce que nous apprenons aux cours Cochet - cela aurait été trahir son enseignement. Le seul intérêt, et le terme est approprié, eut été d'apprivoiser un réseau politique artistique qui peut être très important pour une carrière. Mais je n'ai pas voulu vendre mon âme.

Quand on commence dans ce métier, on peut avoir un rêve qui peut être d'entrer à la Comédie française, ce qui fonctionnait aisément il y a 50 ans. On y entrait et on jouait le répertoire. Tel n'est plus le cas. Le Conservatoire perdure mais on n'y joue quasiment plus le répertoire et la Comédie française n'est plus porteuse de rêves compte tenu de ce qu'y s'y joue. Ce qui est bien dommage d'ailleurs. Par ailleurs, il y a peu de metteurs en scène et de réalisateurs de renom. D'où la difficulté, pour les jeunes comédiens, à savoir où envoyer leu CV pour travailler d'autant que l'on voudrait l'envoyer à des gens que l'on admire. Donc je ne suis pas allé voir ailleurs. Et puis la Compagnie Jean-Laurent Cochet me proposait de beaux rôles.

Vous avez évoqué le professorat que vous a proposé Jean-Laurent Cochet. Cela rentrait-il dans vos prédispositions ?

Pierre Delavène : La transmission du savoir et la pédagogie sont des vertus que j'ai acquises assez tôt car dès l'âge de 14-15 ans j'ai donné des cours de maths, de physique et ce jusqu'à l'âge de 20 ans. J'avais donc la fibre pédagogique et j'aimais transmettre les connaissances acquises. La proposition de Jean-Laurent Cochet est également intervenue pour insérer dans l'équipe pédagogique un professeur plus jeune, donc plus proche, au niveau générationnel, des élèves, et pour attester de l'intemporalité de l'enseignement de Jean-Laurent Cochet qui doit perdurer. Et je crois qu'il avait perçu en moi les qualités de pédagogue et de discernement, apprécier sans juger à la fois humainement et artistiquement, qui sont indispensables pour l'enseignement de ce métier. Il m'a donc donné cette chance, une fois de plus. Au début, ce changement de statut n'a pas été évident puisque je me retrouvai comme professeur d'élèves qui étaient plus anciens que moi. Mais tout s'est passé de manière très naturelle parce qu'ils se rendaient compte que je professais dans le respect de ce que j'avais appris.

Vous êtes aujourd'hui plus qu'un professeur au sein des Cours Jean-Laurent Cochet puisque vous en êtes le directeur comme vous êtes devenu celui de la Compagnie Jean-Laurent Cochet. Triple question : comment cela s'est-il passé, quelles sont les contraintes nouvelles qui en résultent, et qui sont peut-être aplanies par votre formation professionnelle initiale, et, Jean-Laurent Cochet vous donnant une sorte de carte blanche, quelles sont les orientations que vous lui proposez ?

Pierre Delavène : Traditionnellement, les cours étaient dispensés tous les matins par Jean-Laurent Cochet et 2 ou 3 assistants à une quarantaine d'élèves. Depuis deux ans, nous avons développé le cours, pour le démocratiser d'une certaine manière, en l'ouvrant à des personnes qui ne pouvaient pas forcément se rendre disponibles en pleine journée et qui voulaient apprendre le métier soit avec des visées professionnelles soit comme simple épanouissement personnel. Ainsi sont nés les cours du soir et les cours du week end.

A la manière d'une boutade, j'avais dit que nous aurions 200 élèves et c'est ce qui s'est passé. Parallèlement, nous avons donc aujourd'hui une dizaine de professeurs. Autre innovation, dans le cadre de la transversalité artistique, nous avons fait appel à des professeurs extérieurs pour assurer un enseignement lyrique et, en 2007, nous avons initié un partenariat avec une école de cinéma. Les évolutions envisagées sont toujours soumises à Jean-Laurent Cochet qui manifeste toujours un grand enthousiasme car il est très ouvert à l'avenir et au développement du cours. Ainsi nous avons ouvert une antenne du cours en province, en Vendée.

L'organisation, la direction, la gestion des cours absorbent 75 % de mon temps. Les connaissances acquises dans l'école d'ingénieur m'aident beaucoup. Elles m'ont notamment permis d'ouvrir le site internet qui constitue aujourd'hui une interface indispensable. Cela étant, notre but n'est pas de créer une "usine à élèves" mais d'élargir les possibilités d'accueil pour les élèves, même si nous ne pourrons satisfaire une demande qui est importante. Nous prévoyons, pour 2009, de doubler les cours du matin et du samedi. Ce qui est formidable puisque cela participe du rayonnement d'un enseignement, d'une transmission d'un savoir qui existait avant Jean-Laurent Cochet et dont il est un des passeurs.

Par ailleurs, pour la rentrée 2008, nous allons organiser des représentations publiques trimestrielles destinées aux professionnels, qui seront l'équivalent d'auditions, tout en sachant qu'il est parfois difficile de les faire se déplacer. Mais cela nous paraît indispensable pour permettre aux élèves de présenter leurs qualités à partir de scènes abouties. S'agissant de la Compagnie Jean-Laurent Cochet, j'ai repris le poste qui se libérait et l'administrateur sortant m'a aidé à assurer la transition. Et là encore les choses se sont bien passées.

Vous indiquiez que vous ne pouvez accepter toutes les candidatures. Comment s'effectue la pré-sélection des élèves et, ensuite, la sélection pour faire savoir à certains qu'ils ne sont pas manifestement pas à leur place dans ce métier ou pour le moins dans ce cours en raison du travail important que vous exigez d'eux ?

Pierre Delavène : Jusqu'à il y a trois mois, nous acceptions toutes les demandes et ensuite, il y avait des élèves qui abandonnaient spontanément et d'autres que nous incitions à trouver leur voie dans un autre cours. Depuis, et c'est donc également une innovation récente, nous effectuons des auditions d'entrée qui nous permettent d'effectuer une pré-sélection en ne retenant pas les candidats soit en fonction de leur parcours quand nous constatons que nous pourrons rien lui apporter ou soit en fonction de ce qu'il dégage qui ne correspond pas au cours.

Quelle est la proportion de néophytes par rapport à ceux qui sont déjà engagés dans une formation de comédie ?

Pierre Delavène : Il y a en réalité différentes provenances : le bouche à oreille, ceux-là savent de quoi il retourne et, en général, s'intègrent facilement, les stakhanovistes des cours qui les essaient tous, ceux qui ont eu connaissance du cours par internet. Il est vrai que nous affectionnons les candidats qui n'ont suivi aucune formation car ils sont tout frais, tout neufs et ce sont généralement les plus humbles par rapport à ceux qui arrivent imbus de leurs précédents et cela nous permet de leur enseigner les bonnes bases immédiatement ce qui fait qu'ensuite cela va très vite car il n'y a pas à les défaire d'un savoir-faire, qui très souvent leur ont appris plutôt à montrer des choses qu'à être ce qui les incite au cabotinage. Donc cela peut coincer. Et simultanément faire des auditions nous gêne un peu car nous aimons nous confronter à tous les cas de figure et les cas les plus difficiles sont parfois les plus passionnants pour les ramener dans la bonne voie.

Et le pourcentage de ceux qui se fourvoient et qui ne sont manifestement pas faits ou armés pour ce métier ?

Pierre Delavène : Je ne peux pas vous donner de pourcentage mais il faut savoir que sur 200 élèves, si nous faisons abstraction des amateurs, il y a en a peut être 10 qui en feront vraiment leur métier et pourront en vivre à titre principal à long terme. Il y a ceux qui sortent du lycée qui viennent un peu en dilettante, pour voir parce que comédien c'est branché et ils décrochent très vite en raison du travail qui leur est demandé. Et puis il y a ceux qui s'accrochent sans voir forcément de grandes aptitudes soit par le timbre de voix soit par le physique et qui par le travail arrive à surmonter certains handicaps.

Nous recevons aussi toutes les tranches d'âge. Il est vrai qu'en arrivant à 40-45 ans c'est sans doute plus difficile d'entrer dans le métier. Cela étant, nous nous rendons compte que les plus intéressants sont ceux qui ont déjà acquis une certaine maturité, des 20-24 ans, pour qui l’inscription résulte vraiment d'un choix délibéré. Nous avons aussi de plus en plus des personnes qui ont déjà un parcours professionnel dans un métier et qui subitement s'octroient une année sabbatique et viennent tenter de réaliser un rêve qu'ils n’avaient jamais réalisé.

En tout état de cause, la sélection se fait spontanément au bout d'un an car il faut de l'endurance et de la patience dans ce métier. Et il faut impérativement penser au long terme. Etre connu immédiatement et gagner de l'argent c'est une illusion. C'est là la raison pour laquelle au cours nous faisons travailler des élèves dans des emplois qu’ils auront dans le futur. Et c'est surtout le cas pour ceux qui n’ont pas forcément le physique que l'on recherche en fonction de leur âge. Toutes les jeunes filles n'ont pas le physique de jeune première. Il en est de même également pour les garçons. Ce qui implique pour eux une carrière plus tardive mais, du fait de leur caractère et de leur personnalité, une carrière qui peut durer plus longtemps car le physique décline vite.

Jean-Laurent Cochet vous a clairement désigné comme son successeur. Comment ressentez-vous ce futur héritage ?

Pierre Delavène : Sa décision découle sans doute du même discernement que celui qui l'a incité à me proposer le professorat, puis la direction du cours. Donc j'accepte avec fierté ce legs qui n'est pas imminent, puisque Jean-Laurent Cochet est en très grande forme et qu'il enseignera sans nul doute jusqu’à 95 ans… Donc nous verrons à ce moment-là. Il peut bien évidemment compter sur moi pour assurer la pérennité du cours. Nous oeuvrons également pour agrandir la famille des enseignants, qui ont tous été adoubés par Jean-laurent Cochet, qui assumeront la continuation du cours et donc, s'il devait disparaître soudainement, le Cours Jean-Laurent Cochet demeurerait sans se vider de sa substance, ce qui est l'écueil rencontré parfois. Avoir été choisi par lui pour reprendre le Cours est un immense honneur.

Un autre point a été évoqué, même publiquement au cours d'une Master Classe, par Jean-Laurent Cochet qui consiste en un lieu où pourraient être proposés au public des spectacles interprétés par les élèves aguerris du cours, élèves dont la grande diversité, en termes d'âges et d'emplois, suffirait à constituer une distribution de qualité pour les textes du répertoire. Qu'en est-il concrètement ?

Pierre Delavène : Cette idée évolue de manière souterraine depuis plusieurs années et est toujours présente à notre esprit. La pierre d'achoppement est de trouver un lieu dans Paris, ce qui n'est pas aisé. Cela veut dire acheter un lieu, ce qui implique des enjeux financiers et économiques non négligeables, d'autant qu'il doit s'agir d'un lieu ayant une certaine visibilité et crédibilité. Car il ne s'agit pas de jouer dans un garage ou dans une arrière cour. Sur le fond, le projet s'apparente à ce qu'avait réussi Jean-Laurent Cochet au Théâtre Hébertot avec des distributions qui incluraient des élèves formés qui sont, dès lors, des comédiens au même titre que les autres.

Il ne serait pas question de monter de pièces uniquement avec des anciens élèves du cours car il faut parfois savoir associer d’autres têtes d'affiches pour susciter le public. Par ailleurs, le répertoire ne serait pas uniquement classique car il est bon d'y mêler des textes contemporains. Ce lieu ne saurait être uniquement un conservatoire de pièces jouées mais également un lieu tourné vers l'avenir pour enrichir ce répertoire, même s'il serait formidable de pouvoir le ressusciter, d'autant que nous avons au cours des élèves capables de tenir ces rôles. Donc ce projet ne relève pas de l'utopie mais il faut pouvoir le concrétiser de manière rationnelle et le développement du cours peut constituer une force économique qui pourrait l'impulser.

Ces différentes activités et responsabilités sont, comme vous l'avez indiqué très chronophages mais également consommatrices d'énergie. Comment conciliez-vous cela avec votre carrière de comédien ?

Pierre Delavène : Il faut reconnaître que dans les débuts, lorsque j'ai repris ces activités, j'ai dû mettre ma carrière un peu entre guillemets mais cela ne m'a pas empêché de participé en tant que comédien à certains projets de la compagnie ou d'aider à d'autres projets initiés par Jean-Laurent Cochet comme "Aux deux colombes". Mais cela a été très enrichissant sous d'autres aspects puisque cela m'a permis de tout apprendre du métier, de la constitution d'un projet à sa production. Je précise qu'il n'y a aucun sentiment de sacrifice puisque j'ai joué régulièrement chaque année, même si ce n'était pas le rôle titre ou un des rôles principaux, et donc que tout cela été heureux. J'ai été amené à refusé certaines propositions extérieures mais cela sans conséquence puisqu'il ne s'agissait pas de projets qui m'intéressaient à divers titres.

Quels sont vos projets et vos ambitions à titre personnel en tant que comédien ?

Pierre Delavène : J'ai quatre lignes d'action : le cours, pour la pérennisation de l'enseignement qui y est dispensé, la production de spectacles à travers la Compagnie Jean-Laurent Cochet et une société que je viens de créer, ma carrière de comédien dans le théâtre et dans le cinéma et avoir un théâtre dans Paris. Cela implique d'avoir une bonne organisation. Comme disait Mary Marquet, dont Jean-Laurent Cochet évoque souvent la mémoire et l'esprit, "Avant 30 ans j'ai su écouter et après 30 ans j'ai eu de l'ordre". Je viens d'avoir 31 ans et donc je vais appliquer ce précepte.

Jusque là je me suis formé artistiquement, administrativement, et aussi par mes études d'ingénieur. Maintenant je rentre dans une sphère de direction. Je vais devoir également trouver de solides assistants pour me seconder dans cette tâche. Marina Cristalle m'aide déjà pour les cours et Jean-Pierre Séjourné pour les tournées. Pour ma carrière, je vais m'aider tout seul (rires) en demandant aussi conseil à mon ami agent Laurent Grégoire.

A partir d'octobre, je pars en tournée avec "Oscar" dans lequel je reprends le rôle tenu par Davy Sardou ce qui me donnera la joie de jouer sur les routes de France. Même si je pars avec mon ordinateur pour continuer à assurer mes différentes fonctions, je ne serai, dans cette aventure, que comédien et je n’aurai à penser qu'à mon rôle. Ce qui sera formidable ! Et puis cela constituera une expérience de travailler hors de la Compagnie Jean-Laurent Cochet même si j'adore jouer avec Jean-Laurent. Mais quand on joue avec lui c'est difficile d'exister en tant que comédien car c'est un excellent comédien dont le talent éclipse celui de ses partenaires.

Enfin, travailler hors de la Compagnie est également important pour ne pas subir le poids d'une étiquette qui peut confiner, surtout aux yeux des professionnels, qui, pour cette raison, ne vous font pas forcément de propositions. Cette tournée tombe bien au niveau chronologique puisqu'elle sera parallèle à celle de la tournée de "Aux deux colombes". Et puis je souhaite monter une pièce qui me tient à cœur depuis quelques années et dont je viens d'obtenir les droits. Ce qui l'inscrit donc à une échéance rentrée 2009.

Quels sont vos registres de prédilection en tant que comédien, quels rôles et auteurs ont vos faveurs, et en tant que spectateur même si vous n'êtes pas un spectateur comme les autres ?

Pierre Delavène : Il est évident qu'en raison de la formation que j'ai reçue nous apprécions les spectacles avec un autre regard que le public et le spectateur que je suis est très vite rattrapé par le comédien. Cela est une constante pour les comédiens. Cela étant, j'apprécie tout particulièrement les comédies de moeurs les pièces qui mêlent à la fois des sujets tendres, drôles et sensibles, un peu comme Monsieur Vernet ou la pièce "Aimer" créée 1921 par Maurice Escande une comédie à trois sur de sentiments comme le désir, l'amour, la tentation.

Ce qui ne m'empêche d'aimer jouer dans les pièces dites de boulevard car entendre un public rire c'est pour le comédien être payé de retour immédiatement c'est très gratifiant et très agréable. J'aime bien les pièces intelligentes mais pas les pièces intellectuelles, les pièces conceptuelles, à thèse ou politisantes sauf s'il s'agit d'une pièce délibérément politique. Je ne vais pas au théâtre pour être entendre des thèses, que je préfère lire, mais voir des comédiens habités par un sentiment, une passion, un questionnement. Cela peut devenir intelligent parce que notre intellect se met à raisonner.

Cela étant pour répondre à votre question, je n'ai pas de rôles types que je rêve de jouer. Je pense que je me dirigerai dans l'avenir vers des rôles d'autorité car cela me plait beaucoup car je l'éprouve moi-même sur scène, une autorité qu'on peut imposer sur scène par la drôlerie ou d'autres registres. J'ai joué pendant plusieurs années des rôles de jeune premier, que je souhaite quitter, même s'il ne s'agissait pas de rôle de jeune premier classique romantique, mièvre, un peu chiant à jouer.

Il y avait toujours un aspect inattendu, écornifleur dans Monsieur Vernet, séducteur dans le Veilleur de nuit. Je suis curieux des rôles qu'on va me proposer et je suis attiré même par des rôles de bouffons, Jean-Laurent Cochet pensait même à Boudu, des rôles de compositions loin de moi, des personnages de traître et de salaud et dans "La Reine morte", je me suis amusé comme un fou avec le rôle car c'était un peu Narcisse-Néron. Par ailleurs, j'ai beaucoup joué de classiques et donc j'aspire à explorer un répertoire plus contemporain.

J'ai également un projet de long métrage pour le cinéma mais qui n'est pas encore abouti. Le cinéma est également un objectif à moyen terme en ce qui me concerne. Même si j'ai une préférence pour le théâtre où l'on est maître de soi pendant la durée de la représentation alors que le cinéma est une aventure où on est parachuté pour faire ses prises.

Et puis une autre ligne directrice serait de développer l'écriture dramaturgique. Cela me passionne d'autant qu'avec l'étude des textes et maintenant une certaine sensibilité accrue par cette étude je pense connaître la structure d'écriture d'une pièce mais cela ne suffit pas. Il faut trouver un sujet et surtout disposer d'une certaine disponibilité d'esprit et de temps…