Comédie
policière de Emmanuel Dupuis et Bruno Dallaporta, mise
en scène de Serge Lalou, avec Agathe Berman, Claire Lise,
Karine Huguenin et Wilfried Romoli.
Dans un Paris apocalyptique où la température
a du mal à se stabiliser, un homme retiré dans
son appartement à la suite du départ de sa femme,
attend de retrouver le courage et l’énergie d’affronter
la vie à nouveau. Soudain, une femme extravagante sort
de son frigo…
Entre réalisme et fantastique, poésie
et absurde, la pièce - à l’image de ce monde
futuriste où les degrés font du yoyo - oscille
sans arrêt d’un style à l’autre.
Mise en scène avec talent (par Serge Lalou, avec l’aide
de Valérie Berman), elle est toujours en mouvement dans
une approche très cinétique avec une lumière
glacée extraordinaire de Jeanne Lapoirie, particulièrement
rare pour du théâtre, et qui nous plonge littéralement
chez cet homme en rupture, telle une de ses singulières
visites qui vont s’y succéder.
La bande-son remarquable signée Baptiste
Houssin et les décors originaux de Laure
Lepelley concourent également à donner
à Page 157 des qualités esthétiques et
cette ambiance à mi-chemin entre thriller et fantastique.
Le texte brillantissime d’Emmanuel Dupuis et Bruno Dellaporta
ne nous laisse pas une seconde de répit (excepté
peut-être à la toute fin) dans un genre qui généralement
s’enlise au bout d’un quart d’heure et joue
avec les phrases, les images, les références dont
il jongle à loisir pour nous donner une partition absolument
originale que les acteurs servent avec éclat.
Ceux-ci évoluent avec habileté dans un spectacle
fait de surprises et de faux-semblants. Avançant par
flashs, feintes de corps et de langage se succèdent dans
une histoire loufoque tout comme ces improbables personnages.
Sont-ils seulement réels ou sortent-ils de l’imagination
de Phil (formidable Wilfried Romoli) ?
Aux côtés de celui-ci, Claire Lise incarne une
femme qui veut échapper à sa condition d’héroïne
de roman noir et ses talents de chanteuse lui servent pour composer
cet hologramme tout droit sorti d’une page et disjonctant
en permanence en poussant la chansonnette. Elle est aussi exaspérante
qu’attendrissante.
Agathe Berman joue quant à elle une recruteuse d’un
genre nouveau, à la fois enquêtrice et psychologue.
Elle est très drôle. Karine Huguenin, enfin, est
une voisine pas moins barrée que les deux autres et qui
sème le trouble d’une arabesque ou d’une
phrase énigmatique.
On passe un excellent moment dans ce sous-sol qui s’enfonce
un peu plus à chaque minute, et nous avec, dans cette
histoire dominée par la présence d’un impressionnant
frigo, plaque tournante de cet étrange et insolite huis-clos.
Une très belle réussite. |