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Electric Arguments  (PIAS)  novembre 2008

Malgré son statut de légende vivante, on sait que Paul McCartney a toujours souffert d’être vu comme le "gentil", "inoffensif", "romantique" compositeur de niaiseries… tandis que John Lennon se voyait sanctifié en rockeur, expérimentateur et rebelle précocement foudroyé. La donne au sein des Beatles était infiniment plus complexe ; et le grand Macca, en vérité, ne s’était pas contenté de composer les scies "Let It Be", "Yesterday" ou "Hey Jude"… mais avait également éructé des "Long Tall Sally" rageurs, dégoupillé des "Helter Skelter" d’anthologie et apporté toute sa science à la construction de pièces comptant parmi les plus complexes du groupe.

En dépit des fortunes artistiques et financières amassées, les blessures d’amour-propre sont donc tenaces… et Paulo s’évertue, depuis quelques années, à remettre les pendules à l’heure, rappeler à ceux qui en douteraient encore qu’il n’était pas QUE le plus mignon des Fab Fours… mais aussi un musicien audacieux, sans doute aussi expérimentateur que son comparse John (même s’il ne bénéficiait pas de la caution "art conceptuel" apportée à son rival par la fréquentation de Yoko Ono).

Il y a 40 ans, le "Double Blanc" était le témoignage ultime de la géniale versatilité de McCartney, capable d’écrire dans un temps record des chefs d’œuvre aussi différents que "Back In The USSR", "Ob-la-Di Ob-la-Da", "Blackbird", ou "Helter Skelter", et faire jeu égal avec Lennon dans la furia rock moderniste.

Désireux sans doute de marquer dignement cet anniversaire, et prouver qu’il était encore capable de sortir des sentiers battus, revoici donc Macca d’humeur aventurière avec cet Electric Arguments, dernier volet d’un projet parallèle plutôt expérimental entamé depuis une quinzaine d’années sous le pseudonyme The Fireman, avec le musicien et producteur Youth (Martin Glover, ex-Killing Joke). S’il s’agit bien du troisième opus sous ce nom, après Strawberries Oceans Ships Forest (1994) et "Rushes" (1998), c’est toutefois le premier à proposer des chansons au sens classique du terme (alors que les précédents albums se limitaient généralement à des bidouillages technoïdes).

Le disque contient 13 titres évoluant dans des styles très divers, enregistrés rapidement avec une seule et même contrainte : une chanson par jour, et ce voeu pieux d’arriver en studio mains dans les poches, sans savoir exactement ce qu’ils allaient y faire… Le genre de gageure que seul un compositeur vraiment confiant en sa bonne étoile peut se permettre, spontanéité débridée ne rimant pas obligatoirement avec qualité : au pire, cela aurait pu déboucher sur une débauche d’esquisses fofolles sans grand intérêt (ce qui était, manifestement, le cas des deux premiers albums)… Mais McCartney contourne brillamment l’obstacle, et propose des morceaux plutôt inspirés, étrangement produits (exit le son "clair" de ses disques habituels) ; mais assez caractéristiques, néanmoins, pour y reconnaître sa patte mélodique et connecter tout ça avec les plus riches heures de sa discographie.

Le démarrage s’effectue sur les chapeaux de roue, tout en colère saturée et riffs bluesy : l’épatant "Nothing Too Much Just Out Of sight" reprend les choses où "Helter Skelter" les avait laissées en 68, y adjoignant une touche de lourdeur zépelinienne inédite pour hurler sa rage envers une vilaine pépée (parenthèse people : la rancœur accumulée après son récent divorce ne doit pas être étrangère à ce déferlement de colère).

"Two Magpies", qui lui succède, est un total contre-pied, country-song minimaliste rappelant "Blackbird" (toujours le Double-Blanc !), ou certains moments intimistes de sa carrière post-Beatles (la simplicité de "McCartney I" ou "Ram").

A l’inverse, "See the Changes" évoquerait plutôt sa veine des années 90, gros rock mélodique surproduit (taillé pour les stades ?) qui n’aurait pas dépareillé sur "Off The Ground". C’est énorme mais efficace, et toute honte bue, on  ne peut s’empêcher d’admirer une fois de plus le sens mélodique, toujours très affûté, du papa de "Penny Lane".

Le disque fait ensuite une grosse embardée sur "Travelling Light", longue chanson progressive-new-age, en plusieurs parties. Comme sur la majorité des titres de l’album, McCartney ose donner à sa voix des inflexions inédites : elle est ici grave et inquiétante, conférant à ce beau titre une étrange solennité.

La veine blues-rock hurleuse entr’aperçue en ouverture se retrouve à l’honneur sur "Highway", tout en harmonicas lames de rasoir et guitares assassines. Reprenant un des clichés les plus éculés de l’imaginaire américain (l’autoroute, la route 66, yeah man), il lui offre une nouvelle jeunesse et retrouve, au passage, des échos de son propre "Drive My Car".

"Light from your Lighthouse" poursuit dans l’éclectisme en proposant une atmosphère country pétaradante et pleine d’humour, qui n’aurait pas dépareillé sur la BO d’un film "décalé" des Frères Coen (type O’Brother). En dépit de ce second degré sous-jacent (grosses voix trafiquées pour refrain foire agricole), la mélodie est, une fois de plus, imparable ; et l’on se surprend à taper du pied et dodeliner de la tête comme un bon vieux redneck en chapeau de paille.

"Sun is Shining", qui lui fait suite, est une évocation écolo et panthéiste de la fin de vie de McCartney, son bonheur d’être toujours là, etc. Pas désagréable, en lointain cousin folk mainstream de "Mother Nature’s Son". Ici encore, on est proche de ses (sur)productions des années 90 ; mais une fois de plus, la mélodie et les chœurs "na na na na na na" sont assez légers pour échapper à l’ennui.

"Dance ‘til we’re high", nostalgique en diable, démarre sur un gimmick à la Spector (plan batterie typiquement "Be My Baby") et propose une recette tout sucre et miel, chatoyantes voix graves sur les couplets et montées émues sur le refrain, avec cloches dans le lointain pour asséner (bing ! bing !) le message amoureux à qui ne l’aurait pas encore saisi. Pas super fin et plutôt lourd en sucre… mais assez sincèrement interprété pour s’avérer émouvant, en dépit de tout.

"Lifelong Passion" confronte ensuite la limpidité mccartneyienne à de bien étranges synthétiseurs : le résultant frôle le kitsh… mais il subsiste assez de bon sens mélodique là-dedans pour nous transporter une dernière fois.

On n’en dira pas autant des derniers titres de l’album, accentuant cet  étrange versant  "new-age technoïde" sur 4 plages longuettes (de 5 à 10 minutes chacun) ; envolée laborantine censée rappeler les velléités "expérimentales" du projet de départ : c’est donc un déferlement de voix éthérées, synthés en transe et flûtiaux étranges ; atmosphères en apesanteur qui doivent d’autant mieux s’apprécier si l’on a préalablement fumé quelque chose (ce qui n’était, malheureusement, pas notre cas). Cela dit, même si l’expérimentation à la McCartney n’est peut-être plus de première fraîcheur (les flûtes à la "Ocarina", Diego Modena et Jean-Philippe Audin, notamment…), et si le couplet panthéiste new-age nous fait gentiment sourire… ces plages ont au moins le mérite de sortir des sentiers battus de sa propre production, et proposer "autre chose". Après tout, c’est le propre d’un projet parallèle, et l’on ne saurait l’en blâmer.

Celui-ci, au final, est tout de même plutôt réussi, et maintient assez haut l’estime que l’on peut avoir pour le dernier véritable survivant du groupe mythique (le brave Ringo Starr comptant un peu pour des prunes). Après le creux des années 80 et une traversée pas indigne (mais pas non plus passionnante) des années 90, le vétéran propose depuis dix ans une série d’albums qui lui ont rallié les suffrages de la critique, et ce à un rythme plutôt soutenu (tous les 18 mois, ces derniers temps !).

Moins abscons que certaines autres tangentes qu’il avait pu prendre ici ou là (notamment le "Liverpoool Oratorio", de sinistre mémoire), Electric Arguments est donc une nouvelle preuve de sa vivacité musicale. Et hormis quelques excusables fautes de goût (mais quel disque de McCartney n’en a pas ?), c’est un album intéressant, qui contient suffisamment d’idées pour excuser ses petites errances de fin de parcours.

[Note : comme pour capitaliser sur ce retour à l’esprit d’aventure expérimental (ou apporter un coup de projo bienvenu à ce nouveau disque ?), une rumeur a circulé sur l’éventuelle commercialisation d’une pièce des Beatles jusque-là inédite : Carnival of Light, suite psychédélisante composée en 67 par Macca et interprétée avec ses acolytes pour les besoins d’un spectacle d’Art contemporain. L’occasion, sans doute, de connecter présent et passé, et réaffirmer que McCartney s’était, autant que Lennon, intéressé à l’avant-garde musicale ; même si contrairement à lui il ne le claironnait pas sur tous les toits, et ne cherchait pas à en placer sur les disques du groupe (cf les querelles intestines qui avaient déchiré les Beatles pour savoir si, oui ou merde, "Revolution 9" devait apparaître sur le Double Blanc)]

 

En savoir plus :
Le site officiel de The Fireman
Le Myspace de The Fireman


Nicolas Brulebois         
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