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Interview  (Paris)  décembre 2008

Avec son troisième album The Crying Light, l’ancien(ne) groupie de Boy George décide d’œuvrer pour la splendeur de la terre. Chantre de l’écologie, apôtre des délaissés, Antony Hegarty n’en reste pas moins l’un des best-sellers de l’indie-rock contemporain.

Alors lorsqu’il annonce sa venue à Paris, c’est branle-bas de combat dans la fosse. Et parce qu’il a oublié d’être aérien dès lors qu’on touche à son business, Antony empêche quiconque d’écouter The Crying Light autrement qu’au bureau du label. Las, plus d’un mois avant sa sortie, le troisième album du New-Yorkais était déjà disponible sur le réseau. Les miracles, lorsqu’on les provoque, n’ont jamais la même saveur.

Récit d’une rencontre avec Antony Hegarty en décembre dernier, dans le froid, dans un hôtel du Paris central. Le plafond est haut, la parole tamisée. Le jus d’orange… très cher.

Les conditions d’écoute de votre nouvel album ne sont pas terribles, il faut le dire. Tout au plus deux écoutes successives et basta. Dur...

...

Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que The Crying Light prend une voie plus chrétienne que les deux précédents, le mot "light" revient au moins trente fois sur les dix chansons que contient l’album…

Chrétienne ?

Mystique si vous préférez...

Oui, car je ne suis pas chrétien. Peut-être que c’est l’animisme qui me conviendrait plus. Cette idée que l’esprit est contenu dans toute chose, présent partout dans la nature : les pierres, les arbres, l’eau, chez les animaux… La religion animiste est présente chez toutes les civilisations primitives, des indiens aux aborigènes. Je rejette cette idée que l’homme seul soit muni d’un esprit sur la terre, de même qu’après la mort nous rejoignons un paradis… Qu’avons-nous en commun avec la terre, les animaux ? Cet album parle de cela, de ma relation au monde naturel. Regarde mon corps, il est fait d’eau et des éléments offerts par la nature… Comment se pourrait-il alors que nous soyons si différents de ce qui nous entoure ?

On en revient à la question initiale : Avez-vous vu la lumière pour sortir The Crying Light ?

Oui.. enfin… je… La pochette de l’album est tirée d’une photographie de Kazuo Ōno, un danseur japonais pratiquant le butö. Ses danses illustrent parfaitement le concept d’émergence, comme ces enfants qui viennent à la vie. Il y a cette chanson sur The Crying Light qui s’appelle "Everglade", et c’est exactement la même chose, le fait d’être ému devant la beauté de la nature, pleurer devant la magnificence du décor, et se sentir chez soi.

Et pourtant vous vivez encore à New-York, ce qui est paradoxal…

Cette sensation est aussi conceptuelle, en fait. Je ne suis pas très bon en camping.. (Sourire). Je suis quelqu’un de très urbain, finalement. Et je vois la nature partout, dans les parcs, dans la rue, les arbres, la pierre, l’eau, sont partout. Un beau jour, j’ai réalisé que chaque pierre de mon appartement vient d’une montagne différente, et ce fut comme une déflagration pour moi.

Votre chemin a été long depuis vos débuts au début des années 90. New-York, finalement, était-ce votre destination finale, le point de chute ou le point d’ancrage ?

Je ne crois pas que l’on puisse parler de point final dans l’idée de vivre à New-York. C’est définitivement ma maison, même si cette ville donne parfois l’impression d’être la dernière en étant de marche sur terre. C’est également un endroit sans pitié, qui me fait souvent penser à ces planches en bois, sur les bateaux de pirate, qui servent à sacrifier les insoumis. Quoi qu’il en soit, New-York c’est tout cela à la fois, et parce que c’est une ville d’accueil pour les émigrés, depuis longtemps déjà, j’aime sa mixité sociale et culturelle.

Ayant rencontré l’une de vos amies voilà quelques mois, Little Annie, je me demande s’il existe encore selon vous des liens forts entre la culture et New York, en 2008. Votre histoire avec la ville est fortement liée aux années décadentes des 70’, donc…

New-York est un port, et tous les trois ans la population se régénère. Les gens passent leur temps à regretter l’ancien temps, l’ancien NY, etc. Mais il est étonnant de constater que cette ville se réinvente constamment, démolissant ses propres fondations pour faire émerger de nouveaux buildings. New-York n’a pas de ciel, littéralement, et ce qui ce fait dire à certains que vous pouvez revenir tous les trois ans et trouver New-York comme vous ne l’aviez pas quitté. C’est ainsi, et j’adore cela. Il en est de même pour les fantômes de la ville, et je doute que l’on se souvienne des fantômes.

Lorsque vous avez quitté l’Angleterre, vous cherchiez vous-même ces fantômes non, tels que Jackie Curtis ?

Je suis arrivé à l’âge de 19 ans, car je connaissais effectivement la légende de la ville. A Londres, les enfants me rejetaient, à New-York ils m’acceptaient tel que j’étais. Voilà la différence, c’est ce que mes professeurs m’ont toujours dit : "s’il existe un endroit où tu seras reconnu tel que tu es, c’est à New York". Le film Mondo New-York (1988) m’a beaucoup marqué, sur ce point, un déclencheur.

Le fait d’avoir été rejeté par le passé vous a-t-il "aidé", en tant qu’artiste ?

Ma propre expérience, en tant que transsexuel, est sûrement mieux représentée à New-York. La ville est plus moderne, plus apte à accepter des gens comme moi, comme mes mentors, ceux qui ont un jour décider de vivre ici. Je pense à ma partenaire Johanna Constantine, Marina Abramović, Patti smith, Lou Reed.. et pas mal de mes amis.

Avez-vous travaillé de la même façon que pour les précédents albums, seul avec un grand piano dans une vaste pièce ?

Pour quelques unes oui. L’album s’est composé sur une période de deux ans et demi, mais il ne faut pas oublier que je compose de manière intuitive. Et les choses de passent de la même façon avec le groupe. Ma relation au piano, quant à elle, remonte à mes douze ans, lorsque ma mère m’en acheta un. J’ai alors commencé à pianoter les chansons que j’aimai, de "Say hello wave goodbye" de Soft Cell à "New life" par Depeche Mode. Des chansons simples à jouer avec une main. C’était facile, et la relation aux notes s’avère moins abstraite qu’avec une guitare. Ma musique, je sais juste qu’elle vient de l’intérieur, de ce que j’apprends de la rue, à la manière des chanteurs folks. J’écoute la Callas, un peu de musique classique, mais je ne suis pas un technicien. Et mon idole, si vous me demandez, reste tout de même Nina Simone.  J’aime son chant expressif, rempli d’émotions et j’ose espérer que j’emprunte la même voie. Du moins dans mon intention.

"Aeon", l’une des meilleures chansons de l’album, a quoi renvoie-t-elle ?

"Aeon", c’est une sorte enfant divin venu des cieux obscurs.. C’est le retour à l’innocence.

"Candy says" semble vraiment être votre chanson préférée, chez Lou Reed, puisqu’on vous retrouve en guest sur son dernier album live.

C’est définitivement la chanson que je préfère chanter, dans l’incroyable répertoire de Lou Reed. Effectivement, la connexion avec Candie Darling est forte, car son histoire personnelle traduit une histoire plus grande.

Le destin tragique de tout ces acteurs, de Warhol à Curtis en passant par Nico, vous fait-il pas peur ?

L’heure de votre propre mort n’est pas encore connue, c’est le quotidien du monde, pour eux comme pour moi. J’attache plus d’importance à la préservation du monde tel que nous l’avons connu. La désintégration de l’environnement est un thème important pour moi, se souvenir des choses avant qu’elles ne disparaissent.

C’est l’un des thèmes de votre album, notamment "Another world"…

Oui. Lorsque je suis arrivé à New-York, les gens mourraient si vite, dans la plus grande désinformation… Cela rejoignait ma fascination adolescente sur pourquoi les choses arrivent, et pourquoi ces personnes avaient-elles mérité de mourir. Le SIDA, à sa manière, est une destruction du système immunitaire, de la même façon que le SIDA est le symbole d’un profond divorce entre l’homme et la nature. C’est aujourd’hui le cas à un niveau encore plus important, entre l’homme et le monde qui l’entoure. La grande angoisse que je perçois aujourd’hui, c’est cette grande tentative de collecte de l’ADN mondial, les gens ont tellement peur de perdre ce qu’ils ont détruit, les espèces en voie de disparition, la nature même, qu’ils tentent de tout rassembler dans de grands coffres scellés à double-tour. C’est une utopie sans espoir. Mais je ne me verrai pas vivre dans une autre époque, ce qui est paradoxal.

Jackie Curtis a eu cette phrase, qui me semble correspondre à votre idéal de vie : "I'm not a boy, I'm not a girl. I'm me. I'm Jackie". Cela vous parle-t-il ?

Qui que vous soyez, vous serez toujours rejeté par quelqu’un. Ce n’est pas une freaky expérience. Etre aimé par tout le monde, cela n’arrive à personne. C’est un fait. Le fait d’être un transsexuel ne donne pas une plus-value sur ce point, si ce n’est une plus grande sensibilité et un fleuve plus à traverser pour atteindre son objectif.

Sur "Epilepsy is dancing", il y a cette phrase "She’s the Christ now departing". J’ai trouvé cette phrase magnifique, et pleine de mystère.

Il y a sur l’album cette thématique, cette idée que Jésus aurait pu être une femme. J’ai été élevé dans la tradition catholique, et sans être croyant, je m’intéresse de près à ses institutions, car elles sont pour moi totalement corrompues et porteuses de malheur. Selon moi, elles gagneraient à s’intéresser aux nouvelles théories, notamment cette idée que Jésus aurait pu être une femme. Appelons cela ma prescription religieuse, celle que je ferai au pape si je le rencontrais… A la fin de mon dernier EP, il y a ce murmure qui raconte la montée des eaux, le peuple est regroupé sur une montagne et soudain un visage apparaît, plein d’espoir. C’est cette femme. C’est le début d’un nouveau monde et d’une nouvelle vision.

En parlant de religion, il y a cette chanson sur le EP, sûrement la meilleure, "Shake that devil".

Pour laquelle j’ai emprunté le handshaking typique des gospels négro-américains. Cela fait parti de l’histoire, cette chanson parle des mauvais esprits, ceux que l’on éloigne en tapant dans ses mains. C’était important pour moi qu’elle sorte avant les élections… (Sourire).

 

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