Tragi-comédie de Howard Barker, mise en scène de Frédéric Maragnani, avec Marie-Armelle Deguy, Christophe Brault, Céline Milliat-Baumgartner, Jean-Paul Dias, Isabelle Girardet, Emilien Tessier, Patricia Jeanneau, Laurent Charpentier et Jérôme Thibault.

Avec "Le Cas Blanche Neige", deuxième opus du cycle qui lui est consacré au Théâtre National de l'Odéon, Howard Barker, dans la lignée de la psychanalyse des contes de fées, tenant à la fois de Freud et de Bettelheim, procède à une réécriture du célèbrissime conte des frères Grimm à partir d'un relecture de son sanglant épilogue.

En effet, dans le conte original, la punition infligée par le roi justicier à la reine, beauté orgueilleuse et jalouse coupable d'avoir fomenté la mort de la pure blanche Neige, dont elle n'accepte pas la rivalité potentielle, consiste à danser au mariage de la jeune fille les pieds chaussés de brodequins de fer chauffés à blanc.

Par la singularité de sa composante sexuelle, la modalité très particulière de ce bal sacrificiel interpelle le dramaturge anglais qui recentre d'une manière transanthropologique l'histoire sur le couple royal même si le fondement de ce conte initiatique féminin sur le conflit oedipien du passage à l'âge adulte n'est pas remis en cause.

Toutefois, l'édulcoration de la figure de Blanche-Neige n'est pas de mise et les nains ne sont pas des enfants. L'image virginale pèse à la jeune fille qui, faute de pouvoir accéder à la maturité, et surtout à la reconnaissance érotique auprès d'hommes adultes tous fascinés par la beauté et la liberté de moeurs d'une reine au summum de sa maturité, va s'en libérer de manière radicale en pratiquant un multipartenariat sexuel avec un septuor d'hommes de petite taille.

En l'espèce, le roi, célèbre pour la variété de ses supplice, se consume d'amour de pour une reine infidèle et projette une torture pour célébrer l'amour qui le consume en une double extase : la sienne et celle de la reine infidèle. La terreur et la mort pour dépasser cet avide désir de jouissance du corps.

Pour une mise en scène qu'il a délibérément axée sur un jeu frontal, Frédéric Maragnani a choisi une iconographie calquée sur l'esthétique américaine des seventies. Le décor minimaliste, presque sommaire, élaboré par Camille Duchemin, avec un caisson central lieu de tous les coïts dont les portes s'ouvrent comme un rideau de théâtre, dessine un univers en deux dimensions à la Lichtenstein dans lequel se déroule des tableaux à la manière de vignettes de bande dessinée.

L'ensemble est très réussi et les comédiens portent de manière particulièrement inspirée le tragi-comique de Barker. Christophe Brault donne une stature mortifère au roi janusien, homme pervers et perverti et Céline Milliat-Baumgartner joue subtilement les fausses ingénues et les vraies perverses, à moins que ce ne soit l'inverse.

Quant à la reine, personnage magnifique pour une comédienne, Marie-Armelle Deguy campe à la perfection la femme iconique au corps fantasmé dénué d'expression, telle une poupée gonflable, véhicule du fantasme inaccessible malgré la dissolution de ses moeurs.

Totalement enthousiasmant.