Moins de deux ans après la parution en Europe d’un premier effort unanimement salué, voici qu’Alela Diane arrive à un carrefour majeur de sa courte carrière. Ce fameux toujours difficile deuxième album… ou comment donner suite à l’insurpassable The Pirate’s Gospel. Mais surtout comment résoudre cet éternel dilemme : continuer sur la même lancée au risque d’user la recette… ou prendre son monde à contrepied au risque de laisser ses fans sur le bas côté. Le tout sans baisser la garde côté inspiration...
Pourtant, la donne a bien changé ces derniers mois… Après des prestations en comité restreint à l’Européen et à la Cigale, Alela a écumé en solo les scènes estivales l’an passé. Avant de se voir consacrée au festival des Inrocks en novembre dernier. Inutile d’insister ensuite sur l’insolente célérité avec laquelle les tickets de son Bataclan du 6 avril se sont arrachés. Tout portant d’ailleurs à croire que cet Olympia planifié début juin subira le même sort.
Important donc de noter que l’élaboration de To Be Still s’est faite sur une période relativement longue en parallèle de la fulgurante ascension de son auteure. En distillant au passage deux extraits sur "Songs Whistled Through White Teeth", frétillant EP paru en décembre 2006. Mais surtout en testant bon nombre de nouvelles compositions sur scène. Ne manquait plus que l’essentiel, à savoir quelle forme prendrait l’emballage final.
Premier indice avec le simple "White As Diamond" et son clip très totalement dans l’esprit de "La Balade Sauvage". Subtiles arpèges de guitare en introduction, chant envoûtant, discrète apparition du violoncelle sur le refrain, arrivée calculée de la batterie pour l’envolée du titre, break avec nappes de violon avant un retour à la case départ. Une parfaite bluette qui n’aurait pas dépareillé sur "Just Another Diamond Day".
Encore quelques semaines à ronger son frein avant de découvrir le nouvel album. Puis, mi-janvier l’objet atterrit enfin dans la boîte aux lettres. En parfait clin d’œil à Parallelograms de Linda Perhacs, la pochette donne un avant-goût de son contenu. En effet, contrairement à son prédécesseur, To Be Still demeure fortement ancré dans une époque. A savoir la fin des années soixante. Néanmoins, tout comme celui-ci l’entame de To Be Still s’avère ahurissante : "Dry Glass & Shadows" et son entêtante partie de pedal steel, la sus-citée "White As Diamond" avant le sommet absolu constitué par "Age Old Blues" en duo avec Michael Hurley, vieux barde hippie en provenance directe de Greenwich Village.
Premières impressions sur ce nouveau cru ? Un mélange d’ancien et de nouveau. Tout d’abord, les compositions n’ont rien à envier à celles de The Pirate’s Gospel. Reste également cette voix si singulière, ce timbre si aérien, planant littéralement sur l’ensemble. Côté personnel, pas de changements notables : la fidèle Mariee Sioux demeure à proximité. Tout comme papa et Otto Hauser, le batteur de Vetiver.
La vraie différence serait plutôt à chercher du côté des arrangements. Plus riches et plus présents que sur le premier opus. Plus concis et limpides également. De la diversité des instruments utilisés aussi. De ce travail minutieux réalisé sur les enchaînements. Donnant cette impression d’un disque pensé, élaboré dans son ensemble. Pour la suite, aucune baisse de régime ne sera à relever : de la délicate "The Ocean", à la déjà classique "Take Us Back" en passant par le morceau éponyme… Magique.
En résumé, Alela vient de brillamment transformer l’essai en signant un disque s’annonçant déjà comme un des meilleurs de sa catégorie pour 2009. Gagnant au passage le titre de chef de file incontestée des chanteuses folk actuelles. Moins personnel, moins original que son prédécesseur, To Be Still puise sa réussite dans un irréprochable travail de production. Sans parler évidemment des évidentes qualités intrinsèques de son auteure/compositrice/interprète. |