Réalisé
par Lee Brauer. France-USA. 2009.
Comédie dramatique. Avec Maude Mitchell,
Mark Povinelli et la Compagnie
Mabou Mines
"Dollhouse" est l'adaptation cinématographique
de sa mise en scène de la pièce éponyme
d'Henrik Ibsen par Lee
Breuer. Cependant, sans connaître la version adaptée
pour les planches, je ne me lancerai pas dans un comparatif
des deux exercices.
Le dispositif choisi par Lee Breuer consiste à filmer,
plutôt qu'une adaptation cinématographique de l'histoire,
un théâtre avec une scène, de lourds rideaux
rouges, des spectateurs, des décors, des acteurs et même
la régie. Mais l'originalité de cette adaptation
vient du fait que Breuer superpose les images, insère
des effets spéciaux, fait jouer ses acteurs devant un
parterre de marionnettes. Il y a donc une volonté de
créer un véritable objet cinématographique
utilisant des pratiques du cinéma, c'est-à-dire
cadrage, gros plans, champs/contrechamps, etc... et pas seulement
faire du théâtre filmé.
La pièce d'Ibsen raconte l'histoire de Nora (Maude
Mitchell), épouse aimante et mère attentive,
qui vit à l'abri du besoin dans une demeure douillette.
Elle est cajolée par son mari Torvald (Mark
Povinelli) qui vient de devenir directeur d'une banque.
Mais le ver est dans le fruit : La situation n'a pas de tout
temps été aussi simple, et elle a dû, quelques
années auparavant, effectuer un emprunt pour prendre
soin de son mari, à l'époque souffrant.
Or dans la société bourgeoise norvégienne
du XIXe siècle, ce n'est pas le rôle dévolu
à la femme que de s'occuper des affaires d'argent. Elle
a donc caché cet emprunt à son mari. En restant
ainsi dans les normes sociales et afin de ne pas bouleverser
les conventions, elle espère pouvoir garder l'estime
et l'amour que lui porte son époux. Cependant lorsque
cet acte sera révélé, le ciment de l'union
familial s'effritera, et qu'importe si elle avait fait cet acte
par sacrifice et par amour.
Dans l'adaptation de Lee Breuer, la maison de poupées
offerte par Nora à ses enfants en début de pièce
sert de décor. Elle est assez grande pour que les enfants
puissent jouer à l'intérieur. Les femmes sont
de taille normales, quant aux rôles masculins, ils sont
interprétés par des nains, qui ont donc la taille
des enfants, et pour lesquels la taille du décor est
adapté.
Ceci suggère que les femmes, à l'époque
d'Ibsen, n'étaient pas adaptés à un monde
taillé pour les hommes, et devaient sacrifier leurs envies,
leurs désirs, leur autonomie, leur volonté pour
se plier à un monde taillé pour les hommes.
On peut aussi y voir une représentation physique de
"l'âme": la grandeur du sacrifice pour les femmes
opposée à la petitesse d'esprit pour les hommes
puisqu'au court de ce film ils succomberont à l'envie,
à la cupidité, au stupre, et caetera...
Le choix de Lee Breuer est d'installer son dispositif dans
l'outrance (le décor, les costumes, les couleurs, les
spectateurs représentés par des marionnettes,
les effets spéciaux), la parodie (l'accent danois des
acteurs, les masques) et le faux (le jeu outré des acteurs
qui sont censés être sur une scène de théâtre
mais sont filmés en plans rapprochés, les effets
spéciaux très visibles). Ainsi les seules vérités
qui ressortent du texte et de l'histoire sont le drame et la
souffrance de Nora.
Le spectateur peut noter le féminisme de cette pièce,
le rapporter à l'époque, s'interroger s'il y a
une morale propre aux hommes, et une autre plus compassionnelle
propre aux femmes. Quant à l'objet filmique, en raison
de ses partis-pris esthétiques, il ne laissera pas indifférent.
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