Le club du Fil (300 places bien tassé) accueillait ce dernier samedi de mars un plateau audacieux. En effet, c'est le projet Zone Libre Vs Casey & Hamé qui se produit ce soir et cela promet un beau mélange de rock et de rap...
Mais en attendant, c'est une autre formation rap, 100 pourcent celle-là, qui ouvre la soirée devant une salle déjà bien remplie (à ma grande surprise, je dois dire car il n'est pas si facile de faire venir 250 personnes, un samedi soir de pluie et de foot pour une affiche, somme toute, assez pointue et je suis impatient de voir comment nos amis parisiens du Point FMR vont s'en sortir – bien j'espère).
Le Collectif Mary Read vient de Montceau-les-mines et est composé de trois garçons dont un aux platines et deux rappers, et d'une jeune fille également au micro (enfin, quand son collègue ne tente pas de lui prendre des mains pendant qu'elle chante lorsqu'il se rend compte que le sien est défaillant. Chassez le machisme dans les chansons, il revient au galop...).
Si les thèmes abordés dans leurs chansons méritent de l'être (la guerre, la paix, l'égalité homme-femme, la privation de libertés), ils sont malheureusement traités, comme trop souvent avec beaucoup de violence en confondant appel à la résistance, voire à la révolte, et appel à la haine et à la violence.
Le jeu de scène, lui, est une suite de clichés : les trois membres se déplacent dans cesse dans une confusion gestuelle (trop) codifiée et au final, qui semble assez peu spontanée.
Ceci dit, le Collectif Mary Read a réussi à chauffer la salle et apporter un souffle de révolte intéressant dans le fond, même si les interventions de deux associations (contre les lois anti-terrorisme et une asso de la fac stéphanoise) sur scène manquaient un peu de charisme et de clarté.
Après la prestation énergique mais un peu décevante donc du collectif, on attendait donc de pied ferme le projet Zone Libre Vs Casey & Hamé avec ce vilain doute : que va donner le rock tendu et experimental du trio mêlé au rap de Casey et de Hamé ? En tout cas, sur le papier c'est ce que l'on appelle un "super-groupe" et l'excitation et la curiosité sont au rendez-vous.
La salle est impatiente et dès l'arrivée du groupe sur scène (même si on les voit depuis un moment préparer leur matériel eux-mêmes sous nos yeux brillants – la Guinness est excellente, pardon d'avance au CSA),
nous serons assez rapidement fixés sur ce qui nous attend dès les premiers riffs de Serge Teyssot-Gay (Noir Desir) et de Marc Sens (qui joue avec Yann Tiersen en plus de sa carrière solo), tandis que la batterie de Cyril Bilbeau (ex-Sloy), malheureusement plongé dans la pénombre durant tout le concert, impose un rythme dense et noir.
Teyssot-Gay sera très vite dans le bain, faisant prendre à sa guitare d'étonnantes postures, sautant en l'air et prenant visiblement du plaisir.
Les autres en feront tout autant, Sens jouant de sa guitare avec des baguettes de batteries ou, comme avec Tiersen, une perceuse (et croyez-moi, c'est énorme à voir et à entendre). Mais assez parler des grosses guitares, il faut aussi parler des remarquables Casey (demoiselle aux allures de mec) et Hamé (du groupe La Rumeur).
Comme ils l'annoncent en arrivant sur scène, ils sont heureux de voir qu'il n'y a pas de frontières entre rock et rap. En tout cas pas ce soir, ni évidemment sur scène mais pas davantage dans le public où se trouve notamment juste devant moi un grand gaillard aux cheveux longs et bouclés vêtu d'un blouson estampillé Ramones et à ses côtés, un jeune homme en sweet à capuche, gesticulant tout deux sur les rythmes endiablés et les textes imparables et ultra-efficace du combo.
On pense parfois inévitablement à Noir Désir, pour les sons de guitare mais aussi pour le phrasé des 2 rappeurs, notamment Casey paradoxalement.
La puissance sonore est juste comme il faut pour vibrer, les voix parfaitement en place. L'ensemble est toujours à la limite de faire basculer le fan le plus hardcore de rock dans un autre univers et inversement pour le fan de rap. Les gens aiment et ça se voit.
Le groupe enchainera les titres dans une absolue bonne humeur, prouvant que l'on ne doit pas forcément avoir une tête de méchant pour faire une musique "engagée" et jouera à se baptiser par exemple Famille Rocheteau, Saint-Etienne oblige !
Une bonne humeur et une énergie qui ira de paire avec leur générosité, se donnant corps et âme à leur public qui, bien entendu, en redemandera. Et comble du luxe, le groupe descendra après le concert boire quelques verres dans la salle, à la cool.
Un groupe à voir et entendre d'urgence, talentueux et généreux dans la plus pur histoire du rock'n roll ! |