Comédie dramatique écrite et mise en scène par Solenn Fresnay, avec Nadine Bellion, Philippe Baron et Jean-Baptiste Naturel.

Voici exactement le genre de spectacle qu'on a envie de défendre. De défendre parce qu'on le sent fragile, tendre, un peu vulnérable dans le monde qui l'entoure.

Deux voix et un piano. Les textes lus parlent du quotidien, de la solitude, de l'abattement, du ras-le-bol énervé aussi. On sent, dans l'écriture de Solenn Fresnay, les mots qui ont une impérieuse envie de sortir d'un corps.

Tout de suite, malgré parfois le côté mal élevé du texte (ou peut-être à cause), on s'y sent à l'aise. Les mots s'articulent autour du "Je" et du lieu. Le sujet de ces textes, c'est vraiment d'être un humain quelque part. Il y a donc forcément une présence physique derrière les mots de Solenn Fresnay. Ce sont d'abord ceux d'un être humain à Paris, souvent dans le XIVe arrondissement, entre les rues Delambre, d'Odessa et d'Alésia, ou en proche banlieue. Un humain de chair, de sang, de culture et de sensations. Le Paris qui est décrit est plutôt celui de Taxi Girl, ou celui de Houellebecq sur son disque "Présence Humaine", ou encore celui de Paul Dédalus dans le film "Comment je me suis disputé" d'Arnaud Desplechin. C'est un Paris à la fois d'habitude et d'errance.

La lecture à deux voix, celle de Philippe Baron, chaude, posée, virile , et l'autre de Nadine Bellion, au débit plus rapide, sensible, sensuelle, accentue encore cette impression d'un texte à la grammaire féminine mais à la portée de chacun. Qui n'a pas vécu l'expérience d'une ivresse, la nuit, dans les rues? Ou celle d'un vertige dans le métro ?

Quant à la mise en musique, on est proche d'Anne Clark, ou du "Songs for Drella" de Lou Reed et John Cale.

Malgré le côté austère de la scénographie et la dureté de certains mots, ce spectacle est à recommander parce que les textes sonnent vrais, et sont servis avec talent.