La
nouvelle de la mort prochaine d’un prix Nobel de littérature,
Prétextat Tach, entraîne une déferlante de demande
d’interviews. Les quelques élus se retrouvent laminés,
dans tous les sens du terme, par un obèse impotent et monstrueux
tant par son physique que par sa capacité intellectuelle
à sonder les âmes et les cœurs. Tâche facile
au demeurant avec les journaleux fanfarons qui pensent en imposer
par leur carte de presse et leur magnétophone.
Arrive alors la jeune Nina, la seule femme, fouille-merde patentée
qui n’arrive pas les mains vides chez le grand homme doublé
d’un pervers génial. Commence alors une joute oratoire
des plus acharnées pour amener ce dernier à la plus
inavouable des confessions. Car c’est par la parole qu’elle
va le chercher dans les tréfonds de son âme labyrinthique,
le circonscrire, le piéger, le ligoter comme une proie.
Premier roman paru d'Amélie Nothomb, Hygiène de l'Assassin,
qui a reçu le prix Alain Fournier en 1993, contient déjà
en quintessence tous les éléments qui constituent
sa marque de fabrique et que l’on retrouve dans bien nombre
de ses autres romans : un titre énigmatique et attractif,
un sujet simple voire élémentaire qui tire sa singularité
d’un personnage hors du commun tant par le nom que par l’apparence
physique monstrueuse, des thèmes récurrents (comme
les oppositions duelles, telles le bien et le mal, la culpabilité,
l’amour absolu et mortifère), une écriture fine,
débarrassée de tout adipocytes, la viande sur l’os,
un style nerveux et incisif, le tout saupoudré de quelques
traits d’humour noir : "Ce n’est
pas à un obèse impotent qu’il faut demander
son avis sur la guerre du golfe. Je ne suis ni général,
ni pacifiste, ni pompiste, ni irakien".
Mais avant que se noue l’intrigue, elle aborde le thème
de l'écrivain dans ses rapports à l’écriture
et à la littérature mais aussi dans ses rapports avec
les autres, dont le lecteur, et nous en livre sa conception : l'écrivain
exerce le métier le plus impudique du monde puisqu'il ne
parle jamais que de lui-même.
A la lumière du commentaire ci-dessous, à ne lire
qu'après le roman, vous ne regarderez sans doute plus de
la même façon la petite brunette chapeautée
aux lèvres rouges. |