"Revenge is a dish best served cold . Old klingon proverb"
ouvre le film.
Gros plan sur le visage défiguré et ensanglanté
d’Uma Thurman, sur les santiags du tueur puis sur sa main
baguée qui essuie avec douceur les plaies de sa victime.
Premières répliques à l’humour imparable
: "Je ne suis pas un sadique …On pourrait faire cuire
un œuf sur ta tête". Pistolet. Eclaboussures de
sang.
Tarantino ne nous prend pas en traître. Inutile de s’y
tromper si on connaît le monsieur. Il est encore temps de
sortir pour le spectateur égaré, un tel égarement
relevant d’ailleurs soit du masochisme soit de la maladie
mentale. En effet, rentre-t-on impudemment dans une salle de cinéma
?
Il annonce tout de suite la couleur. Et elle sera jaune, jaune
comme la chevelure de la blonde Black Mamba, membre du Détachement
International des Vipère Assassines gang de tueurs du fameux
Bill, jaune comme son break le Pussy wagon, jaune comme son jogging
Courrèges à la manière de celle d’Emma
Peel de Chapeau melon et bottes de cuir, jaune comme sa combinaison
de motard réplique de celle de Bruce Lee dans son dernier
film inachevé "Game of Death", jaune comme le sable
du désert où s’est déroulé le
carnage qui exige vengeance, jaune comme la couleur du soleil, jaune
qui devient rouge car partout où il passe il tue, tranche,
décapite à l’arme blanche en libérant
des geysers sanglants.
Six ans se sont écoulés depuis son dernier film.
Autant dire qu’on l’attendait au tournant. Et il nous
scotche dans nos fauteuils !
Tarantino a réalisé le film fantasmé et magnifié
de tous les films dont il a nourri sa cinéphilie insatiable,
un film kaléidoscope flamboyant qui réunit tous les
genres, toutes les époques et toutes les influences : western
spaghetti, thriller, kung-fu, chambara, manga.
Bien que basé sur le visuel des comics et des jeux vidéo
( voir la scène mémorable celle de la bataille de
la longue liane jaune US contre une tueuse nippone déguisée
en écolière armée d’une chaine à
boule, version moderne de la masse d'arme médiévale
où à la fin de l’escarmouche fatal, on ne peut
s’empêcher de crier : "The winner is..." comme
dans les jeux Dead or alive ou Vyper fighting ) avec des dialogues-bulles
minimalistes toujours dans le registre comico-trash et une bande-son
singulière qui détourne les appariements communs (ainsi
les exécutions à la manière des films d’animation
japonais, qui font les délices de nos chères petites
têtes blondes, accomplies sur une musique à la Ennio
Morrricone ou le duel final, à la manière de Hero,
dans un paysage enneigé sur un air de flamenco ), il n’en
demeure pas moins un film au sens classique du terme, truffé
de références et d’hommages à ses aînés
qu’ils aient œuvrés dans les séries A,
B ou Z.
Ainsi trouve-t-on un remake époustouflant de "La Fureur
de vaincre" avec Bruce Lee pour la bataille rangée dans
le restaurant ou Sonny Chiba maître du cinéma kung-fu
des années 70 en version japonaise stakhanoviste et kitsch
de Bruce Lee dans le rôle pivot du forgeur de sabre..
Et puis ses personnages, lonesome cowboy, yakusa, samouraï,
héros antique, justicier, sont des êtres de chair et
d’os, et de sang très abondant, pétris dans
la même glaise humaine, jamais manichéenne, qui ne
peuvent échapper aux dieux qui ont tissés les fils
de leur destin. Comment l’enfant qui assiste au lent assassinat
de ses parents peut structurer son univers autrement que dans la
violence et dans le désir de devenir le maître des
assassins? Comment écarter toute idée de vengeance
quand on ôte la vie de ceux qui vous sont chers ?
Et si cette vengeance implacable n’était qu’un
avatar de la quête ? A suivre avec le volume 2.
"On me dit que Kill Bill est un film violent ! Sûr
que c’est violent !Mais c’est un film de Tarantino quoi
! On ne va pas à un concert de Metallica pour demander de
baisser le son ! "
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