Comédie
dramatique de Françoise Sagan, mise en scène de
Nicole Gros, avec Philippe Arrioti, Laetitia Bertheuil, Vincent
Gauthier, Nicole Gros, Nathalie Guilmard, Laurent Carouana,
Valentin Terrer et Catherine Van Hecke.
En 1970, Françoise Sagan a 35 ans et mène depuis
1951 la vie apparemment légère et bohême
de la jeunesse dorée de l'époque dont elle était
le parangon et qu'elle avait su si bien faire entrer en littérature.
Elle écrit "Un piano dans l'herbe" qui jette
un regard en arrière avec le personnage central de Maud
qui, la quarantaine venue, veut faire revivre un été
en Touraine, avec une bande de copains fédérée
autour d'un d'eux, jeune poète et musicien béni
des dieux qu'elle a éconduit, qui animait leur quotidien,
un quotidien plein de promesses et d'insouciance. C'était
leur dernier été ensemble. Vingt ans après
qu'en reste-t-il ? Des fantômes, pire des dépouilles,
car le temps ne connaît pas la marche arrière.
Avec une distribution judicieuse et talentueuse, Nicole Gros
signe un excellent travail pour diriger les comédiens
sur une prose d'une grande sobriété d’expression
qui ne manque ni d'humour ni d'esprit pour traduire ce désenchantement
délétère qui conduit, sans emphase, au
tragique.
A l'exception de la dame de compagnie, la parasite cynique
qui faisait patiemment sa pelote, (Nicole Gros caustique à
souhait) et du revenant pragmatique (Laurent Carouana), les
personnages prennent la mesure de l'échec qui est d'exister
à défaut de vivre : l'érudit brouillon
à la vie bien rangée (Philippe Arrioti parfait
dans ses bouffées de jeunisme) doté d'une épouse
tyrannique (Catherine Van Hecke), le bel homme à femmes
de plus en plus jeunes (Vincent Gauthier) et sa lolita godiche
interprétée par Laetitia Bertheuil, et Nathalie
Guilmard qui réussit une belle prestation dans le rôle
de la mondaine au bord de l'abîme.
Valentin Terrer excelle dans ce rôle tout en nuances
et extrêmement sensible de Louis, l'alcoolique philosophe,
alter ego de l'auteur, le seul qui a immédiatement compris
que la jeunesse n'est pas un état mais un moment de grâce,
que la vie s'était arrêtée après
cet été et qu'il ne restait plus qu'à passer
le temps en tentant de continuer ce que Sagan nommait "ce
jeu dérisoire et gratuit pour échapper à
une époque ressentie comme mesquine, sordide et cruelle".
Avec Nathalie Guilmard, formant le couple fraternel d'enfants
terribles cher à Françoise Sagan, ils sont à
l'origine des plus belles scènes de la pièce qui
laissent poindre amour, humanité et émotion. |