Tous les deux ans, la Biennale Internationale d'Art Contemporain de Venise a pour vocation de présenter un instantané de l'art contemporain international en révélant l'actualité c'est-à-dire les tendances et/ou les artistes émergents en relation avec la thématique déterminée par son directeur.
Cette double exigence est souvent perdue de vue, incomprise ou délibéremment ignorée, parfois en raison de sa difficile conciliation avec l'enjeu dont certains pays investissent la représentation nationale. En conséquence, l'avenir est derrière nous.
Mais cette relative dérive se trouve, pour la 53ème biennale, quelque peu entérinée par la thématique retenue par son directeur, Daniel Birbaum, quant au processus créatif puisque, réfutant la création ex nihilo, il insiste sur l'exploration des sources d'inspiration des artistes contemporains..
Enfoncer les portes ouvertes
Le cas des Etats Unis est à ce titre exemplaire - même s'il a reçu le Lion d'Or de la participation nationale - et atteste d'une certaine constance..
Ainsi
en 2007, le pavillon américain prenait des allures de
mémorial puisqu'il exposait des oeuvres de l'artiste
conceptuel d'origine cubaine Félix Gonzales-Torres décédé...
en 1996.
En 2009, il ambitionne de donner l'opportunité d'apprécier et d'explorer la créativité et l'influence indéniables d'un dinosaure de l'art américain.
Sous le commissariat du Philadelphia Museum of Art, il fait les honneurs à l'artiste protéiforme et multimédia presque septuagénaire, Bruce Nauman, sous forme d'une rétrospective "Topological gardens" composée presque exclusivement d'œuvres anciennes et mondialement connues mais qu'il est absolument interdit de photographier.
Parce qu'elles proviennent essentiellement de prêts de collections privées ? No comment.
A savoir : quelques oeuvres sont exposées en accès libre dans deux bâtiments de l’université de Venise à la Ca’Foscari et à l’IUAV.
Le devoir de mémoire
Pas davantage d'ambiguité au pavillon israélien
placé sous une bannière univoque "In
the name of the father" pour une exposition en hommage
à Raffi Lavie, peintre, enseignant
et critique d'art décédé en 2007, considéré
comme la figure charismatique de la scène artistique
israélienne.
Célébrer une valeur sûre
L'Espagne annonce clairement la couleur dans son communiqué de presse : montrer les oeuvres récentes du plus grand artiste espagnol vivant de réputation internationale, en l'occurrence, le peintre et céramiste post-moderniste de Miguel Barcelo.
Conçue
par Enrique Juncosa, directeur de l'Irish Museum of Modern Art
de Dublin, dans une scénographie white cube manière
galerie d'art, la monstration, qui revêt la forme d'une
mini-rétrospective survolant son oeuvre du 21ème
millénaire, comprend une sélection céramiques
et de peintures grand format.
S'agissant de ces dernières, elles sont fortement sous influence africaine, et plus précisément du Mali où réside régulièrement Miguel Barcelo, et s'inscrivent dans la continuité des voies qu'il a déjà explorées, l'art rupestre, l'abstraction et le "minimalisme désertique". Incontournable, le gorille, métaphore de la solitude de l'artiste et de la désaffection de la peinture comme art majeur.
Les racines de l'art
Au coeur du Dorsodurio, le Palais Zenobio accueille la participation arménienne qui présente "Painter of dreams", une exposition monographique des oeuvres de la peintre Gayané Khachaturian.
Edward
Balassarian, critique d'art qui assure le commissariat de l'exposition,
précise que le choix de Gayané Khachaturian a
été motivé par le fait qu'elle constitue,
avec sa peinture narrative, pour l'art arménien un des
maillons entre les manuscrits enluminés du Moyen Age
et l'art contemporain.
Et qu'à ce titre, il s'inscrit totalement dans l'esprit de cette biennale tel qu'il a été défini par son directeur. Triste ironie du sort, elle est décédée quelque mois avant l'ouverture de la Biennale.
Classée
curieusement parmi les peintres naifs, elle se situe quelque
part entre la fantasmagorie symboliste de Chagall et le surréalisme
de Léonor Fini.
Peintre chromatique à la palette saturée de couleurs tonales, elle raconte des histoires d'ange qui rencontre un cavalier, de promenade sous le vent blanc et le bleu de la lune, de jongleurs aux cheveux rouges et de poupée qui danse, avec un imaginaire fécond qui puise aussi bien dans la thématique caucasienne que dans la mémoire collective de la communauté arménienne de sa ville natale de Tblisi.
Métaphores et allégories sont au rendez-vous pour une promenade lumineuse au pays des rêves de l'âme.