Texte de Maurice Level, mise en scène de Jonathan Hume, avec Thomas Bousquet, Kristina Chaumont, Elise Chieze, Thomas Hoff, Jonathan Hume, Nicolas Sorhaitz et Jean-Patrick Vieu.
La jeune Compagnie de l'Incartade, fondée en 2006 par des comédiens issus du Studio 34, a déjà brillamment pris ses marques en montant des classiques, "Les visionnaires" de Jean Desmarest de Saint-Sorlin, "Psyché" de Molière et "Périclès" de Shakespeare mis en scène par Coralie Salonne, qui sortaient des sentiers battus.
Récemment, elle s'est intéressée au théâtre de l'épouvante, et donc au répertoire de Grand Guignol, avec deux courtes pièces, "Le baiser dans la nuit" et "La loterie de la mort", qui s'insèrent tout naturellement dans le cadre du Festival Ca bute à Montmartre qui fera frissonner, et rire, le Ciné 13 Théâtre tout l'été 2009 et illustre une autre veine du genre qui privilégie le suspense.
"Le baiser dans la nuit" de Maurice Level joue des frayeurs de son époque avec l'archétype de la vitrioleuse, fille abandonnée qui vitriole son séducteur, le vitriolage, instrument de la vengeance féminine par excellence, devenant un fait de société relayé dans la grande presse à la fin du 19ème siècle et l'épilogue criminel du roman d'amour.
Si le premier acte d'exposition peut paraître un peu long, ce n'est que pour mieux exacerber la curiosité voyeuriste du spectateur, qui ne voit le vitriolé que de dos, et attiser le suspense quant au dénouement de l'ultime entrevue avec sa maîtresse que ce dernier réclame, laissant le public se perdre en conjectures. Car ici point de phénomènes irrationnels ni de figures d'épouvante peuplant l'imaginaire collectif mais un conte naturaliste sur les passions humaines.
Jonathan Hume, qui assure la mise en scène, a donc bien raison de ne pas presser le pas pour laisser monter la tension dramatique qui ira de crescendo au second acte sur lequel repose cette histoire d'amour et de vengeance.
La confrontation des deux amants, et la dissection du processus
criminel, est en l'occurrence superbement orchestrée
par Elise Chieze, dont la gracilité angélique
et le jeu évoquent les héroïnes troubles
du cinéma muet, et Jean-Patrick Vieu, excellent dans une partition
difficile dont il maîtrise complètement la progression
tragique.