Après conte de Robert Walser, mise en scène Sylvie Reteuna avec Aurélia Arto, Olav Benestvedt, Claude Degliame, Eram Sobhani et Marc Mérigot.
L'écrivain suisse Robert Walser ne croit pas aux contes de fées au dénouement heureux qui, d'un coup de baguette magique, efface les névroses qui en nourrissent l'intrigue.
Aussi passe-t-il outre l'épilogue moral et idyllique
du conte à interprétations multiples, "Blanche
Neige" - le mariage d'amour entre Blanche Neige et le prince
et la mort de la marâtre punie par le Roi qui la força
à chausser des brodequins de fer chauffés à
blanc pour expier tant son infidélité que sa jalousie
meurtrière - pour y substituer un ressassement psychanalytique
autour d'une impossible résilience.
Blanche Neige revenue à la vie retrouve toutes ses psychoses antérieures que le long sommeil n'a pas résolu pas davantage qu'il n'a effacé les épisodes traumatisants de haine et de meurtre.
Dans une fascinante scénographie épurée et onirique à l'esthétique sublime de Pierre-André Weitz, le collaborateur fétiche d'Olivier Py, Sylvie Reteuna a porté ce poème dramatique dans un espace-temps singulier, celui du verbe, qui ne ressortit ni de la narration ni de l'incarnation. Un travail éblouissant, intelligent, ardu également qui repose sur l'ambivalence des sentiments et la distanciation des affects, d'où des scansions modulatoires, du déclamatoire au cantabile.
Les officiants sont au diapason, chacun dans son harmonie vocale, pour constituer ce douloureux oratorio poétique. Dans le rôle du prince étranger, Olav Benestvedt, personnage elfique et ambigu, costume blanc et escarpins verts, se déplace telle une butineuse ballerine queer. Eram Sobhani est la figure protéiforme du chasseur, bras meurtrier et justicier, icône de la virilité et de l'appétit sexuel de la reine.
Dans le rôle titre, Aurélia Arto joue parfaitement
une Blanche-Neige mélancolique et hébétée
et s'avère une belle partenaire pour la reine létifère
magistralement interprétée par Claude Degliame,
magnifique comédienne au vibrato incandescent et céleste
qui trouve ici un rôle à la mesure d'un talent
flamboyant. Leur confrontation donne des scènes magnifiques
de beauté formelle et de violence intériorisée.