En juin dernier est sorti le premier album d’une miss qui va faire parler d’elle. Speech Debelle, jeune rappeuse londonienne de 25 ans nous livre, sans contrefaçon et sans états d’âme, un album tout simplement intitulé Speech Therapy où elle parle directement avec son cœur en totale intimité. Elle ose d’ailleurs l’avouer : "I’ve made some mistake in this life I’m not proud of […] And I’m just now how this world really works".
Dès le départ, l’album se savoure comme une confession. Alors exit les a aprioris sur l’univers du rap et du hip hop. La belle Speech nous prouve ici que l’on peut rapper sans bling bling, sans ego surdimensionné, et avec une voix de "gamine" fraîche (à ne pas prendre péjorativement), si rare dans le monde du Hip-Hop. Gamine, Speech n’en est pas une. La belle en a bavé pour écrire ses morceaux dont chacun d’eux est un extrait de sa vie. D’ailleurs, elle l’ose le scander sur "Finish this album". C’est avec une hargne et une sincérité désarmante qu’elle se confie sur ses années de lutte.
Aussi, pour concocter cet album, la miss s’est offert le luxe de se faire produire par Big Dada, Wayne Lotek et Plutonic Lab, à qui l’on doit la fanfare de clarinette sur le single "The Key" et de l’enchanté "Better Days". Mention spéciale à ce morceau, sur lequel elle collabore avec l’hyperactive mais néanmoins talentueuse Micachu. Cette dernière se révèle ici calme, sa voix envoûtante est posée sur les refrains.
De même, ses influences multiples se ressentent à l’écoute de son album. Elle a autant écouté du Lil’Kim que du Tracy Chapman. Pourtant, à écouter ses paroles, on sent les bribes de The Street, notamment sur "Working Weak" (fable humoristique sur la vie des working people de Londres). Ainsi que le franc-parler innocent de Lily Allen, cette fois si sur "Spinnin'" au refrain entrainant, entonné par un chœur espiègle.
De sa voix douce, chaude et fragile qui sent bon la soul, elle nous raconte ses périples à travers le sud de Londres sur "Wheels In Motion". Sa jeunesse et son effervescence sont contés sur "Searching" et "Live and Lear". Sur "Buddy Love", elle révèle les problèmes qu’il peut arriver lorsque l’on couche avec son colocataire. Elle nous dévoile également son traumatisme lié par l’absence de son père sur "Daddy’s little girl"…
Speech soigne ainsi ses blessures, avec sincérité sans démonstration pathologique. Une thérapie envoûtante, si l’on comprend l’anglais. Néanmoins, on ne peut rester passif à l’écoute des instrus. Un grand concentré de jazz, des sonorités old school, des relents folk, des fragments de pop, un soupçon de beat saccadé, une pincée de piano, de cymbales, de clarinette, de violoncelle… C’est sans nul doute cela qui fait toute la différence.
Speech Therapy ou l’univers de miss Debelle est un contraste étonnant entre mélodies acoustiques bridées par des fanfares, et des lyrics appuyés volontairement à cœur ouvert. C’est un tour d’horizon dans son intimité tout dévoilée, rappée et entonnée par une voix chaude et surprenante.
Une artiste à suivre, c’est certain. |