Comédie
dramatique de Maryse Condé, mise en scène de José
Exélis, avec Gilbert Laumord et Ruddy Sylaire.
Après un crime, probablement lors d'un braquage durant
lequel un homme a trouvé la mort par balle, deux complices,
par ailleurs amis d'enfance, se retrouvent dans une même
cellule. Ils se retournent sur le parcours qui les a amenés
jusqu'au fond de ce cachot, ils se rappellent leur enfance,
leurs rêves passés et confrontent leurs espoirs
quant à l'avenir.
Mais ces deux amis ont des tempéraments fort différents
: Grégoire (Ruddy Sylaire) a grandi dans la violence,
et il la porte jusque dans sa moelle, Jeff (Gilbert Laumord)
est un inadapté social, rêveur, fragile qui traîne
avec cet ami qui le protège mais lui fait aussi parfois
endosser seul la responsabilité de leurs actes.
Lors de la discussion pour savoir comment présenter
leur affaire à l'avocat commis d'office qu'on leur attribuera
le lendemain matin, Grégoire cherchera à ce que
Jeff se sacrifie une nouvelle fois au nom de leur amitié,
en lui expliquant que par amour il est un homme nouveau.
Le texte de Maryse Condé est fin, l'adaptation pour
le théâtre de José Pliya est réussie.
D'autre part, les acteurs sont crédibles dans la peau
de leur personnage et jouent avec densité.
Cependant, au premier abord, la mise en scène de José
Exélis donne une impression de contre-sens. Les acteurs
sont censés évoluer dans l'espace clos d'une cellule,
or sur une scène grande comme un trois-pièces
parisien, la tension du huis-clos due à la proximité
des corps se délite.
Cette pièce, comme confrontation entre deux paumés,
en raison de la distance entre les corps des acteurs et de leur
positionnement sur la scène, manque donc d'électricité
- malgré un habillage sonore fait de bruits d'orage et
de sirènes policières - entre les personnages.
Par contre, si on aborde la pièce comme un drame social
qui illustrerait la faillite de la politique menée par
la France à la Guadeloupe, le procédé de
mise en scène obtenu est cohérent, qui désoriente
d'abord le spectateur en amenant une gestuelle décalée
par rapport au texte, avant de rapprocher, jusqu'à l'étouffement,
les deux amis/ennemis. Mais cet effet, même s'il élargit
le contexte du propos et permet de mettre l'accent sur le côté
social, se révèle à double-tranchant parce
qu'il empêche une lecture plus directe du beau texte de
Maryse Condé qui pourtant se suffirait à lui-même
comme illustration des effets de la politique menée par
la France en Guadeloupe sur une partie de la population locale. |