Comédie
dramatique de de Jean-Claude Brisville, mise en scène
de Bernard Havette, avec Jean-Christophe Clément, Bernard
Havette, Valérie Da Mota et Marie Moriette.
"Le souper" de Jean-Claude Brisville, écrit
en 1989 et devenu depuis un grand et brillant classique du théâtre
de conversation, repose sur une rencontre fictive, quelques
semaines après la défaite de Waterloo, entre deux
personnages historiques, aux egos et aux destins hors du commun,
Talleyrand, le diable boiteux, ministre des relations extérieures,
et Fouché, le boucher de Lyon, chef du gouvernement,
pour décider de l'avenir politique de la France selon
l'alternative suivante : la restauration de la fleur de lys
pour le premier, une république assagie pour le second.
Les deux hommes, que tout semble opposer notamment la classe
sociale, haut lignage pour l'un, origine plébéienne
pour l'autre, partagent néanmoins le même sens
de la stratégie et de l'opportunisme politiciennes, essentiellement
au service de leurs intérêts et ambitions personnels
nonobstant leurs intimes convictions politiques.
Ces points de convergence pimentent leur entretien au point
d'en faire un parfait vademecum de la négociation, de
l'attaque à la manipulation en passant par la persuasion
et la complicité, pour aboutir à ce qu'on appelle
aujourd'hui en termes d'analyse transactionnelle et de management
participatif en une relation gagnant-gagnant.
Bernard Havette a opté pour une mise en scène
tournée vers la résonance contemporaine de ce
texte notamment en ce qu'il concerne les tractations politiciennes
des éminences grises et les sociétés policières,
l'information assurant la puissance de son détenteur,
tout en conservant le jeu en costumes d'époque.
Bernard Havette campe un redoutable Talleyrand, sorte d'araignée
monstrueuse qui tisse sa toile, tapie au fond de son hôtel
particulier, avec un raffinement et un esprit hérités
de plusieurs siècles de noblesse.
Jean-Christophe Clément incarne un Fouché fébrile
et inquiet qui, fort de son expérience et de son passé
de ministre de la police Big Brother avant l'heure taraudé
par le fichage des individus, sait abattre ses cartes au bon
moment.
Entourés de deux comédiennes musiciennes, Valérie
Da Mota et Marie Moriette, qui assurent les intermèdes
au violon et violoncelle, ils assurent la justesse et la vivacité
policée d'une joute verbale passionnante. |