Comédie dramatique de Tennessee Williams, mise en scène de René Loyon, avec Agathe Alexis, Blandine Baudrillart, Clément Bresson, Laurence Campet, Marie Delmarès, Martine Laisné et Igor Mendjisky.

"Soudain l'été dernier", du dramaturge américain Tennessee Williams, qui revient en force sous les feux de la rampe, est une pièce construite en flash back autour d'une intrigue à suspense, à savoir la mort dans des circonstances dramatiques, dans une station balnéaire située dans un pays sous développé, d'un riche héritier d'une grande et honorable famille de la bonne société du sud des Etats Unis.

La mère de celui-ci, enfermée dans un processus de dénégation de tout ce qui peut altérer "sa" vérité sur son fils, poète vivant au dessus des choses de ce monde, refuse de voir sa mémoire entachée par le témoignage irresponsable de sa cousine qu'elle réduire au silence.

Dans ses notes d'intention, le metteur en scène René Loyon, refusant le psychologisme naturaliste traditionnellement attaché à l'œuvre de Tennessee Williams, indique voir dans cette pièce la peur comme thématique, la peur de l'autre sous toute ses formes, et notamment celle Nord-Sud, d'où son "une irrécusable actualité".

Ce qui ressortit de la contextualisation car ce qui se manifeste sous les yeux du spectateur c'est la nature fondamentalement prédatrice des passions humaines, qu'il s'agisse de l'amour possessif de la mère ou de l'appétit sexuel du fils.

Par ailleurs, la prégnance de la pièce ne réside pas tant dans le suspense attaché au dévoilement progressif du nœud de l'intrigue, que Tennessee Williams a déjà révélé de manière plus ou moins métaphorique dès le prologue que constitue la conversation entre la mère et le chirurgien neurologue chargé de "tempérer" les ardeurs du témoin gênant, mais sur l'issue de la confrontation entre l'implacable vérité à tout prix et la dénonciation de la dérive, voire la perversion, de la nature humaine et l'hypocrite consensus du microcosme social qu'est la famille.

Dans un décor de Nicolas Sire qui tend à une certain minimalisme onirique, avec une vaste toile colorée représentant une serre symbole ambivalent de l'Eden et de la jungle, et dans une mise en scène très classique de René Loyon, en présence de la représentante d'une institution religieuse rigoriste, (Blandine Baudrillart), de la dame de compagnie bonne à tout faire (Laurence Campet), du médecin arbitre pragmatique (Igor Mendjisky) et des représentants de la branche pauvre de la famille, la mère catastrophée mais résignée (Martine Laisné) et le frère sans état d'âme (Clément Bresson), tous très justes, la représentation ultime du drame, qui va s'exprimer de manière très expressionniste, peut commencer.

Agathe Alexis a la stature et la puissance de jeu pour incarner les irisations psychologiques de la mère souveraine en évitant toute monolithisme manichéen face à la détermination farouche et la rage enfiévrée de sa rivale de substitution, rôle dans lequel Marie Delmarès est particulièrement à l'aise et crédible, comme ainsi récemment dans "Antigone" monté par René Loyon au Théâtre L'Atalante.

Un beau combat de titans par créatures humaines interposées.