Farce carnassière d'après le roman de Ahmadou Kourouma, mis een scène de Laurent Maurel, avec Carole Filikep et Vanessa Bettane (en alternance avec Tatiana Werner).

"Allah n'est pas obligé" est une pièce écrite à partir du texte du roman d'Ahmadou Kourouma, livre qui avait remporté le prix Renaudot en 2000. Il raconte le parcours de Birahima, ivoirien préadolescent, de la tribu des Malinké, devenu enfant soldat, "small soldier", au Liberia puis en Sierra Leone.

D'abord enfant des rues, livré à lui-même suite au décès de sa mère, il deviendra enfant-soldat après être parti sur les routes à la recherche de sa tante, elle-même prise dans les déplacements de population. Il rencontrera un féticheur, Yacouba, qui fabrique des amulettes chrétiennes censées protéger des balles. Avec cet homme, il parcourra le Liberia du nord au sud et d'est en ouest. En fonction des forces en présence, ces deux-là rejoindront les "armées" des différents chefs de guerre.

Birahima, vole, pille, tue, massacre. Il le raconte avec ses mots d'enfant, avec ses mots "petit nègre". Il le raconte aussi avec les mots tirés des dictionnaires, le Larousse, le Petit Robert, le Harrap's et le dictionnaire français des locutions d'Afrique occidentale.

Cette pièce est donc très fidèle au roman, à la fois par le langage vif et cru, mais aussi par sa violence et son humour qui, comme le chanvre fumé par les enfants, permet de prendre de la distance par rapport aux horreurs de ce conflit.

Les deux actrices, Caroline Filipek et Vanessa Bettane ce soir-là, sont magnifiques dans un "monologue à deux voix". C'est avec un large sourire, et une énergie qui ne faiblit jamais, qu'elles s'approprient la verve de l'enfant-soldat. La chorégraphie qui se joue entre elles et leurs gestes brusqués amènent, en plus du décalage entre le verbe de l'enfant et la réalité décrite, la légèreté obligée pour supporter l'horreur contenue dans ce texte.

L'unique petit bémol à la mise en scène explosive de Laurent Maurel vient de l'utilisation de la vidéo, qui hors de la fonction illustrative pour suivre le parcours des protagonistes sur le territoire du Liberia, ne parvient pas véritablement à imposer une ambiance, voire parfois rompt le processus de réflexion qui opère lorsque les lumières s'éteignent et que le public se retrouve confronté au silence après la mitraille des mots.