Spectacle chorégraphié par Jean-Claude Gallotta,
avec Adrien Boissonnet, Sylvain Decloitre, Nicolas Diguet, Hajiba
Fahmy, Ximena Figueroa, Marie Fonte, Ibrahim Guétissi,
Benjamin Houal, Yannick Hugron, Cécile Renard, Eléa
Robin, Thierry Verger, Loriane Wagner et Béatrice Warrand.
A-t-on le droit de ne pas crier au génie dans ce qui
apparaît comme le dernier projet auquel Bashung ait participé?
A voir la réaction du public lors de la première
de "L'homme à tête de chou", on peut
craindre que non.
Pourtant le risque pour le spectateur lorsqu'un spectacle
est monté autour du nom de deux provocateurs géniaux,
Serge Gainsbourg et Alain Bashung, mais que ceux-ci sont désormais
institutionnalisés, est de se retrouver face à
un exercice de dévotion confite.
Puisque ce spectacle de danse n'évite pas ce travers,
il s'agit d'un contresens complet par rapport à l'œuvre
laissé par ces deux grands noms de la chanson française.
Évacuons la partie consacrée à Gainsbourg.
Le texte reste le même que celui du disque, les chansons
dans le même ordre.
La performance de Bashung pose un problème plus épineux.
L'interprétation est bonne mais comme copiée sur
celle de Gainsbourg. Hormis la voix, magnifique, Bashung ne
donne pas l'impression de s'être approprié le texte.
La musique, réorchestrée par Denis Clavaizolle,
auteur de belles ambiances chez Jean-Louis Murat, est étirée
afin que le spectacle s'étale sur 1h15 au lieu de la
grosse demie-heure que dure originellement l'album de Gainsbourg.
Or Denis Clavaizolle, est plus à l'aise dans les ambiances
jazz de la fin de l'album que dans certains airs aux couleurs
africaines du début.
D'autre part, la musique et le chant enregistrées sont
diffusées à partir de seulement deux énormes
enceintes de façade, l'une à droite de la scène,
l'autre à gauche, ce qui, dans une salle de la taille
de la salle Renaud Barrault du Théâtre du Rond-Point,
oblige à un volume sonore trop important pour l'auditeur
et ne permet pas d'apprécier le travail de mixage qu'on
aurait dû remarquer si un système de multidiffusion
avait été mis en place.
Enfin, la chorégraphie se veut illustrative, le texte
de Gainsbourg pris comme un film noir dans lequel on retrouve
les ingrédients de la passion amoureuse, du sexe et de
la mort. Or on assiste à des rondes dont on a l'impression
qu'elles sont tirées du film baba-cool "Hair"
de Milos Forman. Sur un texte parfois à la limite de
la pornographie, les danseurs se retrouvent à mimer des
mouvements d'une sensualité qui rappellent plus le téléfilm
érotique du dimanche soir sur M6 que l'univers sombre
de Gainsbourg.
Alors que la danse est devenue l'art vivant dans lequel on
assiste actuellement au plus grand nombre d'innovations et de
provocations de toutes sortes, Jean-Claude Galotta offre une
chorégraphie vieillotte et hors de propos. Pas de sensualité,
de nudité à peine (et en respectant la parité
politiquement correcte un homme/une femme) alors que pour une
fois l'exhibition des corps, si commune dans la danse contemporaine,
n'aurait pas été une provocation vaine et non-avenue
mais se justifiait par le choix d'un propos illustratif. Au
lieu de ça, il habille ses danseurs de chaussures de
ville, chaussettes, slip et liquette dans un accoutrement peu
valorisant de leur plastique.
Dans la scène finale, durant laquelle une Marilou se
déplace sur la scène en traînant les pieds,
la culotte descendue sur les chevilles et une guitare tenue
par une sangle cachant son ventre, on compare avec ce que Prejlocaj
avait proposé dans "MC 14/22 - Ceci est mon corps"
à l'Opéra Garnier (pas exactement un haut lieu
de la "décadanse") l'année dernière,
c'est à-dire un danseur de plus en plus handicapé
dans ses mouvement par des rubans adhésifs. On ne trouve
alors décidément aucune audace à la chorégraphie
de Galotta.
Le manche de la guitare électrique, posée tel
un phallus sur le ventre de la danseuse, pointe vers le sol.
Ceci est tout un symbole et résume l'impression que laisse
l'ensemble de ce spectacle, celui d'un Gainsbourg et d'un Bashung
trahis auxquels on aurait interdit tabac et alcool. |