Voix chaude, caverneuse, ce gars aux allures de Viking n’en impose pas que par sa taille. De passage à Paris pour la promotion de Fretwork, son dixième album, Bjørn Berge appartient à une espèce pas tout à fait identifiée, et j’en reste convaincue, pas du tout menacée !
Le musicien armé de son instrument de prédilection, une guitare acoustique, attaque l’album énergiquement avec le titre "Crazy Times". D’entrée de jeu, il assure une rythmique au rasoir, d’un pied alerte et à la force de ses 10 doigts de magicien. Une once de sensibilité existerait-elle derrière sa carrure incroyable ? Je réponds affirmatif tout comme à la question récurrente du feeling. Vous savez, ces petites choses qui, en dehors de la technique, ô combien maitrisée chez notre ami Bjørn, font la différence. Ces petites choses qui font que l’on passe de l’album sympa à l’album indispensable… et celui-ci l’est probablement déjà à ma discothèque !
Au fil de l’écoute, on découvre une nouveauté qui confère une atmosphère aérienne à l’album. Oui, le violon d’Øyvind Staveland fait son apparition, notamment sur "These Streets", folk à souhait ou sur "Endless", une petite merveille d’originalité… assurément mes deux coups de cœur ! Cela va s’en dire que le violon et l’arpège font généralement bon ménage. Comme à son habitude, le monsieur alterne habilement les instrumentaux et les compositions chantés, la force et les finesses, les rythmes enlevés et les mélodies envoûtantes. L’instrumental, "Fretwork", évoque la traduction musicale idéale d’une course poursuite avec ses cassures et ses reprises. Sur "Drifting Blues", Mister B. Berge enfile le bottleneck pour un blues plus conventionnel. Attention, ici, par "conventionnel" je n’entends pas "impersonnel" ! Pas de gaspillage avec l’artiste qui utilise chaque parcelle de son énergie au service d’un son enveloppant.
Il se plaît à reprendre "Zebra" de John Butler Trio. Ce nom vous évoque forcément le talentueux guitariste aux dreadlocks et aux multiples influences, attaché à sa guitare tel un koala à sa feuille d’eucalyptus. Bjørn Berge garde son flow et sa version, un peu plus rêche que l’original, est loin d’être déplaisante. Le solo électrisé, les hand-clapping et les chœurs sont au rendez-vous. Quand la rudesse norvégienne rencontre la chaleur australienne, on peut parler d’une réussite totale. Il faut ajouter à cela que ces deux musiciens ne sont pas les moins méticuleux du métier.
"Travelling Song", une ode à l’évasion porte bien son nom même si c’est simplement l’ensemble de ces 9 compos et 3 reprises qui me poussent au voyage. Pour finir en beauté, l’album s’achève sur l’instrumental "Paris", une petite pépite qui pourrait bien lui valoir le respect et l’admiration des plus irréductibles gaulois ! |