Comédie
de Molière, mise en scène de Jean-Laurent Silvi,
avec Axel Blind, Pierre Maurice, Wallerand Denormandie, Jean-Laurent
Silvi, Ariane Bassery, Alicia Ellena-Atlan, Marie Curtil, Frédéric
Guignot, Odile Acolat, Maurice Pierre, Christophe Boutellier, Jean Adrian,
Valentin Papoudof, Laurent Evuort et Paul Gorostidi.
Pour sa première création, la jeune Compagnie
de la Petite Comédie, fondée par Jean-Laurent
Silvi, comédien et metteur en scène formé
au cours d’art dramatique de Jean- Laurent Cochet comme
quasiment tous ses membres, a puisé dans le répertoire
classique avec "Monsieur de Pourceaugnac" de Molière.
Ledit monsieur, gentilhomme de province mal dégrossi,
ridiculement fagoté et surtout benêt candide, qui
débarque de son Limousin natal pour épouser une
parisienne chèrement monnayée, tombe comme un
cheveu dans la soupe au milieu d'une idylle déjà
nouée. Ce qui va lui coûter cher non seulement
en écus mais également en désillusions
et en blessures d'amour propre.
En effet, la jeune fille ne l'a pas attendu pour trouver un
amant avec lequel elle forme non pas un couple de jeunes niais
mais d'amoureux délurés et roués qui savent
utiliser les bons offices des intrigants ancillaires et des
hommes de main sans scrupule.
Car pour cette comédie-ballet, qui repose essentiellement
sur la fantaisie farcesque et le comique de la commedia dell'arte,
Molière use néanmoins d'une plume particulièrement
lucide et réaliste quant aux caractères des différents
protagonistes.
Aiguillonné par une donzelle déterminée
(Ariane Bassery excellente dans le rôle de la jeune première
sensuelle dans laquelle elle fait intelligemment poindre la
future coquette), l'amant (Wallerand Denormandie conquérant)
tient fermement tête au père prototype du barbon
(Maurice Pierre parfait).
Pour les instigateurs de la farce, la galerie de portraits
est drolissime avec Alicia Ellena-Atlan servante madrée
et pétulante, Marie Curtil une fausse épouse gasconne
désopilante, Christophe Boutellier étonnant en
apothicaire mystique quant aux bienfaits de la médecine,
Frédéric Guignot, médecin de pacotille
à qui on ne confierait même pas son poignet pour
prendre le pouls entouré de confrère et d'assistants
illuminés tout droit sortis du cabinet du Docteur Cagliari
(Odile Acolat, Jean Adrian et Paul Gorostidi), Valentin Papoudof en
paysan grivois et Laurent Evuort tonitruant gendarme matamore.
Par la fraîcheur et la verve du jeu des comédiens,
musique grand siècle, plateau nu et costumes d'époque
suffisent à transporter le spectateur au sein de cette
réjouissante mascarade, en l'occurrence judicieusement
resserrée, qui revêt la forme d'une farandole débridée
de carnaval transformant le pauvre bougre indésirable
en toupie ahurie qui, après avoir été soumis
au des deux plaies de son siècle, combinant ignorance
et aveuglement, la médecine et la justice qui donnent
l'occasion de deux cocasses intermèdes, le ballet des
clystères et le chœur des ténors du barreau,
file sans demander son reste.
Jean-Laurent Silvi, comme directeur de troupe il dirige avec
talent les jeunes comédiens, il mène l'intrigue
en jouant le rôle de l'exécuteur des basses œuvres.
Allure empanachée, oeil de velours, il fait de Sbrigani,
fripon au nom univoque, un subtil napolitain empathique, un
coquin de haute volée qui use intelligemment de la ruse
et surtout d'un troublant pouvoir de séduction auprès
de sa victime au point de lui rendre la prunelle humide d'une
reconnaissance presque équivoque.
Le pourpoint du sans malice dont Molière brosse le
portrait en un trait - "ses lumières sont fort petites,
et son sens le plus borné du monde" - est endossé
à merveille par Axel Blind
qui déjoue les pièges d'une partition qui se prête
aisément aux effets d'acteur tout en restituant avec
virtuosité la bonhomie bouffonne.
Porté par des comédiens dont l'enthousiasme,
le plaisir du jeu et le bonheur d'être sur scène
sont empathiques, le spectacle est une belle réussite
prometteuse pour l'avenir d'une jeune compagnie formée
à la bonne école. |