Ballet sur une chorégraphie de Angelin Preljocaj, interprété
par Isabelle Arnaud, Neal Beasley, Virginie Caussin, Gaëlle
Chappaz, Hervé Chaussard, Damien Chevron, Baptiste Coissieu,
Craig Dawson, Davide Di Pretoro, Sergio Diaz, Sébastien
Durand, Caroline Finn, Céline Galli, Alexandre Galopin,
Yan Giraldou, Natacha Grimaud, Emma Gustafsson, Ayo Jackson,
Jean-Charles Jousni, Emilie Lalande, Céline Marié,
Lorena O’Neill, Bruno Péré, Zaratiana Randrianantenaina,
Nagisa Shirai, Yurie Tsugawa et Julien Thibault.
Créé en 2008, déjà présenté
à Chaillot la saison précédente, le ballet
de Angelin Preljocaj, qui réunit les 26 danseurs de sa
troupe résidant au Pavillon-Noir d'Aix-en-Provence, revient
en cette fin d'année s'installer à Paris pendant
deux semaines, avant de continuer à tourner de part le
monde. Cela est surtout le signe d'un engouement autant critique
que public pour l'oeuvre de "Preljo".
Le maître prend pour matériau le conte des Frères
Grimm pour offrir sa vision d'un grand ballet romantique empreint
de modernisme.
A l'ouverture du rideau, le spectateur assiste à la
mort en couche de la mère (Gaëlle Chappaz) de Blanche-Neige,
le corps se déforme et se métamorphose. Dans un
des tableaux suivants, Blanche-Neige (la sensuelle Nagisa Shirai)
et le Roi (Sébastien Durand), son père, assistent
à un bal donné à la Cour. Si ce passage
est un peu long, il permet néanmoins d'assister à
des mouvements d'ensemble parfaits qui rappellent la maîtrise
technique à des spectateurs happés par l'histoire
et l'univers merveilleux qui lui est présenté.
D'autres épisodes féeriques suivront : la traversée
de la forêt par Blanche-Neige et l'apparition du cerf
devant les chasseurs qui la poursuivent, l'entrée en
scène des nains, s'extirpant du mur de la mine pour danser
de manière aérienne sur le mur vertical, la danse
morbide mais érotique du Prince (Sergio Diaz) sur l'adagietto
de la Symphonie n°5 de Mahler, et surtout les passages où
la marâtre, accompagnés de ses deux chats-gargouilles
(Emilie Lalande et Yurie Tsugawa dans un numéro extraordinaire),
est face à son miroir magique.
Tout en soulignant les thèmes les plus prégnants
de la psychanalyse dans le conte de Blanche-Neige soit par des
effets de costumes (la méchante marâtre, interprétée
par la subjugante Céline Galli, habillée par Jean-Paul
Gaultier d'une combinaison en cuir et latex, thème oedipien),
soit de décors (la forêt, lieu de découverte,
d'expérience et de réflexion, période transitoire
de l'adolescence), Preljocaj reste dans la narration classique.
Son ballet se déroule avec un semblant de facilité
déconcertante devant les yeux de spectateurs transportés.
Il faut souligner l'importance des costumes de Jean-Paul Gaultier
dans la réussite de ce projet. Certes le costume du prince
le représente comme peu sexué, mais les costumes
de la Reine et des chats-gargouilles sont splendides. Tout comme
l'est aussi la robe de mariée de Blanche-Neige qui permet
de voir ses pas lorsque les franges de la structure rigide se
soulèvent sous l'effet des mouvements. Les ambiances
sonores de 79D et des lumières rasantes de Patrick Riou,
en particulier dans les scènes de la forêt et du
miroir magique, offrent un écrin supplémentaire
pour mettre en valeur le travail des danseurs. Comme d'habitude,
une attention toute particulière a été
apportée à la scénographie.
Les plus grincheux pourront reprocher à Preljocaj d'avoir
abandonné, le temps de ce ballet, l'aspect le plus expérimental
de son travail pour offrir un divertissement spectaculaire et
populaire, durant lequel le spectateur se laisse emporter tel
un enfant dans une histoire où il a ses repères,
se concentrant parfois plus sur l'aspect narratif du conte que
sur la chorégraphie ou la technique des danseurs. C'est
certes vrai, mais pourquoi bouder son plaisir alors que Preljocaj
illustre cette histoire de manière merveilleuse et totalement
féérique, sans pourtant faire de concession quant
à la rigueur de la chorégraphie. |