Ca commence comme un inédit d’Ennio Morricone pour Sergio Leone, guitare surf aigrelette chevauchant de grands espaces désolés. Ca se poursuit par une évocation du "Mystery Train" (dernier 45 tours Sun de Presley), couplets frenchys enlacés au fier refrain anglais… Et le nom du groupe est un clin d’œil au célèbre film de Jacques Tourneur, le plus américain de nos réalisateurs.
Malgré ces références US, les musiciens de La Féline savent se tenir à distance de toute considération "puriste" : pas besoin d’enregistrer à Nashville pour évoquer un quelconque grand Ouest. Leurs influences western sont post-modernes, digérées par l’histoire de l’Art : Amérique à la Jarmush ou Lynch, mythes réappropriés avec une sensibilité européenne, sans décorum graisseux typique – drapeau sudiste, Stetson et tout le toutim.
Chaleur des guitares folk rafraîchie à l’ombre des home studios… la musique du groupe est transfrontalière et passe bientôt à autre chose : les titres suivant se font un peu plus électroniques, entre synthés vintage d’un Laurent Sinclair (clavier historique de Taxi Girl) et nappes cotonneuses d’une BO de Sofia Coppola (Sébastien Tellier, Air).
La voix d’Agnès Gayraud a des inflexions qui rappelent Natacha Tertone ("Le Grand Déballage") ou Armelle Pioline (du groupe Holden). Elle se revendique de Kate Bush, mais s’avère encore trop timide pour rivaliser… Un peu noyé dans le mix actuel, son chant gagnerait à être mieux assumé : il ne faut pas avoir honte des voix ténues ; surtout lorsque celles-ci ont de bonnes mélodies à se mettre sous la dent ! (Note : dans certaines vidéos disponibles sur son Myspace, on l’entend chanter plus distinctement, et c’est très réussi).
Sur une page web qui leur est consacrée, on trouve cités comme influences à la fois le "Jezebel" de Gene Vincent… et Gorgio Moroder ! Ou bien, en grand écart encore plus bizarroïde : Colette Magny et Prefab Sprout. Si la pose est connue – refuser une quelconque étiquette – la musique n’a pas besoin de tels chichis : il perce derrière tout ça assez de singularité pour ne pas s’encombrer de ces milliards de références.
L’intitulé des titres, chantés en deux langues, dit encore cette versatilité d’inspiration : passant d’un "Mystery Train" à "Superman", saluant les "Three Graces" et finissant par un clin d’œil au "John McCabe" du film d’Altman… Tout cela part un peu dans tous les sens, mais c’est un pêché de jeunesse d’autant plus vite pardonné… que les chansons sont bonnes, et s’impriment durablement dans le cervelet.
Malgré une configuration réduite à 3 musiciens, l’univers de La Féline propose une multitude de pistes intéressantes, et l’on a hâte d’entendre ce que le groupe offrira, lorsqu’il aura canalisé son inspiration. Dans sa version téléchargeable, le EP est d’ores et déjà augmenté d’un bel inédit en français, plus quelques remix pour allonger la sauce… en attendant le LP. |