Comédie dramatique de Harold Pinter, mise en scène de Cécile Rist, avec Robert Hatisi, Dounia Sichov et Guillaume Tobo.
Texte ambigu à l'écriture simplissime qui laisse ouvert le champ des possibles dramaturgiques, comme souvent chez Harold Pinter, "L'amant" - ou comment, même en totale autarcie, on ne pimente pas impunément sa vie de couple - est un petit bijou d'humour et de perversité typique du schizo-drame pintérien.
Dans une judicieuse scénographie de Mathieu Crescence, la Compagnie Bordcadre avec Cécile Rist aux manettes, a opté pour une mise en scène distanciée et la dilatation du temps pour un huis clos névrotique scandé par un jeu de rôles qui va, peu à peu et à défaut de maître de jeu, échapper à des protagonistes à la sexualité lénifiante qui sombrent dans la vacuité existentielle.
Dans un décor fonctionnel et aseptisé blanc, design des sixties sous néons crus à la Flavin, pour l'appartement du couple parfait : elle, belle, fine et pleine d'esprit, et lui, cordial et plein de tact., dont le petit déjeuner sur fond musical de "Can't take my eyes off of you", qui stigmatise à peine la ritualisation de leur vie de couple, s'achève par le départ du mari qui s'enquiert, de manière à éviter tout retour intempestif, de savoir si son épouse reçoit son amant l'après-midi.
Des sandales rouges et un homme qui sonne trois fois, ce n'est ni le facteur ni l'amant mais plus prosaïquement le laitier, et commence la ronde des fantasmes assouvis at sweet home autour d'une sexualité clivée entre la maman et la putain, ponctuée de standards américains chantés a capella par Robert Hatisi. Mais Dieu que la chair est triste.
La proposition bien maîtrisée de Cécile
Rist est intéressante et bien soutenue sur scène
par Guillaume Tobo en mari faussement complaisant, et Dounia
Sichov époustouflante en beauté janusienne.