Du
13 au 16 janvier 2010 se déroulera au Théâtre
Mouffetard, un très étonnant festival, le Festival
Saint Germain des Prés baudelairien, conçu,
écrit et mis en scène par Isée
St. John Knowles dramaturge et metteur en scène.
Ce festival propose de redécouvrir,
sous forme d'une épopée en trois volets, l'histoire
de ce bouillonnant quartier parisien de la Commune à
la mort de Jean-Paul Sartre.
Son sous-titre, "dernier
éclat d'insoumission à un siècle avili"
ainsi que sa conception pluridisciplinaire, méritaient
d'être éclairés par son concepteur.
Isée St John Knowles a bien voulu
répondre par mail à ces questions préliminaires.
Vous êtes l'instigateur du Festival
St-Germain-des-Prés Baudelairien sous titré "dernier
éclat d'insoumission à un siècle avili"
qui se déroulera du 13 au 16 janvier 2010 au Théâtre
Mouffetard.
Pouvez-vous nous en préciser la thématique
et la finalité dans la mesure où, pour le grand
public, Baudelaire est essentiellement connu comme poète
du 19ème siècle et le quartier de Saint-Germain-des-Prés
comme le coeur de la vie intellectuelle et artistique qui s'est
développé autour de l'existentialisme au milieu
du 20ème siècle ?
Isée St John Knowles : La thématique sur laquelle repose cette
trilogie ne s’inscrit pas dans la vision de Baudelaire
consacrée par les dix-neuviémistes. Elle déroge
à la tradition, à l’exégèse
des historiens catholiques de Baudelaire. Nos 38 personnages
sur scène et ceux qui polarisent les regards sur l’écran
dessineront le profil d’un autre Baudelaire, celui que
Nietzsche et Walter Benjamin pressentirent à la lecture
de Fusées. Cet "autre" Baudelaire, c’est
le visionnaire, celui qui s’est révélé
aux Baudelairiens de Saint-Germain-des-Prés au travers
des "Fleurs du Mal".
La thématique de mes pièces tire
donc sa source d’un poète, certes, mais d’un
poète dont les intuitions pénétrantes outrepassent
le 19ème siècle. C’est ce poète-là
que j’ai voulu retrouver dans notre "Festival Saint-Germain-des-Prés
Baudelairien" ; celui qui dans "Saint-Germain-des-Prés
Dandy" - la satire par laquelle s’ouvre la trilogie
- nous donne le courage de penser autrement que les autres,
en toute liberté, en "héros" pour nous-mêmes
; dans "Saint-Germain-des-Prés Poète"
- le 2ème volet - celui qui sait éclipser l’affligeante
réalité de notre quotidien par le pouvoir de l’imagination
; dans "Saint-Germain-des-Prés Rebelle", enfin,
celui qui ose lever le voile sur l’âme d’une
France avilie.
Comment avez-vous conçu ce festival présenté
comme une épopée en trois volets dont vous êtes
l'auteur et le metteur en scène ?
Isée St John Knowles : Comme quelque chose d’incontournable.
A mon sens, il n’est pas permis d’éluder
- comme c’est le cas aujourd’hui - une page si éloquente
de l’histoire de Saint-Germain-des-Prés, d’autant
que cette page a été écrite par les artistes
et écrivains "les plus illustres du siècle",
selon Simone de Beauvoir ; ceux qui jadis avaient conféré
une identité baudelairienne à ce quartier. Et
cette identité qui fut propre à Saint-Germain-des-Prés
de 1872 à 1973, nous la révélerons dans
ce festival.
Pour faire court, je dirais que parmi les caractères
appartenant à cette identité, il en est trois
qui ressortiront dans la trilogie : l’autonomie de la
pensée, l’insoumission et le lyrisme de l’imagination.
Ces trois traits hélas ! ne pèsent pas lourd dans
le Saint-Germain-des-Prés du 21ème siècle,
le Saint-Germain-des-Prés du conformisme, du lucre et
de la fatuité.
En la forme, de quel registre théâtral ressort
ce triptyque multidisciplinaire, avec des interventions enregistrées
de personnalités, telles Anne Delbée, Thierry
Lhermitte et PierreSantini, et de la vidéo avec des séquences
filmées réalisées par José Pinheiro
?
Isée St John Knowles : En effet, je ne me suis assigné aucune limite dans la
composition de cette fresque historique. Elle est certes multidisciplinaire
parce que sa thématique m’a imposé de franchir
les limites inhérentes à l’art scénique
en passant le flambeau au réalisateur José Pinheiro,
au peintre Limouse qui consacra 70 ans de créativité
à l’interprétation des "Fleurs du Mal"
ou encore aux personnalités qui uniront leur voix à
la nôtre dans cette célébration. Cela dit,
cette "correspondance" artistique n’eût
pas été convaincante, ne craignons pas de le dire,
sans l’interposition d’une correspondance nouvelle
avec les âmes de ces dandys et chiffonniers, de ces rebelles
et petites vieilles sorties des plus belles pages des "Fleurs
du Mal". Ces "âmes" baudelairiennes, je
les avais rencontrées dans le Saint-Germain-des-Prés
où je suis né. Du 13 au 16 janvier prochain au
Théâtre Mouffetard, elles "reviendront"
par la médiation de nos comédiens pour redonner
à Saint-Germain-des-Prés la conscience de sa destinée. |