Comédie
dramatique de Alexandre Vvedenski, mise en scène de Agnès
Bourgeois, avec Corinne Fischer, Valérie Blancho , Nolwenn
Le Du, Jean-François Lapalus, Guillaume Lainé,
Nathan Jacquard, Muranyi Kovacs et Frédéric Minière.
Arrive seulement cette année à Paris une création
époustouflante de la Compagnie Terrain de jeu qui date
de 2008. Mais mieux vaut tard que jamais surtout quand le plaisir
de la découverte est entier.
Il s'agit de "Un sapin chez les
Ivanov" montée par et mis en scène
par Agnès Bourgeois, une libre adaptation
de la pièce d’Alexandre Vvedenski,
poète et écrivain appartenant à l'avant
garde russe et qui fit partie d'un groupe littéraire
dissident qui oeuvrait aux confins de l'absurde, du grotesque
et du surréalisme "à la recherche d’une
perception du monde et d’une approche des choses organiquement
nouvelles".
La pièce, qui consent toutefois à la linéarité
du récit, mais avec une dilatation du temps et des superpositions
d'espaces-temps, d'un fait divers macabre, d'un drame domestique
: à la veille de Noël, alors que les parents sont
au spectacle, la nurse, fiancée à un bûcheron
qui veut devenir instituteur, excédée à
l'heure du bain par sept garnements dissipés va en occire
un en le décapitant avec une hache. Arrestation, folie,
jugement mais aussi arbre de Noël, extinction des guirlandes
et extermination générale.
Difficile d'en dire davantage d'un opus qui défie certains
codes de la logique et de la rationalité et qui entraîne
le spectateur au-delà du réel.
Tous les personnages de cette fresque étonnante, aussi
hallucinante, fascinante, dérangeante que poétique,
sont interprétés par 8 comédiens au diapason,
parfois affublés de masques géants et mous qui
font paraître minuscules leurs corps pour incarner les
enfants, qui se meuvent au ralenti en vase clos dans un décor
qui ressemble à une boite de bois brut dont il manquerait
une face, la comparaison avec un cercueil s'imposant vite.
La mise en scène qui oscille entre hyperréalisme
et distanciation distille une impression d'inquiétante
étrangeté qui renforce le caractère chimérique
de la représentation théâtrale, du théâtre
comme illusion de la vie, de la vie qui n'est que ce court espace
entre les deux aiguilles d'une horloge infinie. |