Téléphone Exit, Noir Désir Out, qui reste-t-il dans le monde rock français ? Et bien sans doute Eiffel qui, contrairement à ce que pensait un éminent critique musical, ne restera pas qu’un point d’ancrage apprécié des radios pour remplir leurs quota de chansons françaises.

Eiffel, c’est une ambition terrible pour tenir sans faire de compromis, c’est le rock sauvage et brut, au sens animal des termes, loin du petit rock policé pour jeunes gens de bonnes familles, c’est un sens mélodique aigu et des compositions qui tiennent le choc de l'acoustique, c’est l’énergie d’une écriture incisive qui sait prendre le temps de l’émotion tout en évitant la pop, c’est une voix aux limites du cri qui navigue des brûlots hard rock à la tendresse amoureuse.

Formé en 1998, guitares, basse, batterie et claviers, Eiffel c'est deux albums Abricotine (2001) et Le quart d'heure des ahuris (2002) et des centaines de concerts. Car Eiffel a bien compris que seul le live pouvait les faire connaître et leur permettre d'exprimer, et de partager, ce plaisir violent qu'il éprouve à jouer.

Comme Romain Humeau, auteur-compositeur, nous le confiait en interview : "Des fois il suffit de dix secondes dans un morceau au début du concert pour que tout bascule irrémédiable dans le génial ou dans le mauvais. C’est la vie. C’est Le live. Eiffel c’est la vie c’est le live !".

Pour nous le confirmer et nous le prouver en cas de besoin, Eiffel sort un superbe double album live Les yeux fermés absolument indispensable !

Le premier disque, consacré aux concerts électriques enregistrés pendant leurs dates parisiennes, permet de retrouver les incontournables d'Eiffel dans des déclinaisons rock de toute beauté.

De l’urgence psalmodiée de "Il pleut des cordes" enchaîné sur la puissance noisy de "T’as tout, tu profites de rien", du rock tripal avec "Au néant" au punk rock aux accents hagenien de "Hype", des guitares saturées de "Ne respire pas" à l'entêtant "Off" avec un clin d'oeil à Dutronc.

Et puis deux versions longues ahurissantes (sic!) de "Te revoir" et en clôture une apocalyptique "Douce adolescence".

Par ailleurs, Eiffel aime explorer et même si "Nous sommes un groupe de rock donc on a choisi d’aller dans le sens du bruit mais il y a d’autres choses qui nous plaisent et on va éclairer différemment", d'où le projet de live plus acoustique, avec des instruments à cordes et à vent. Et le deuxième disque restitue l’ambiance plus intimiste de ces concerts intitulés spéciaux, enregistrés à Rennes et Paris où le groupe s'est entouré de violons, alto, violoncelle et hautbois.

Ces concerts permettent de constater l'une des influences revendiquées d'Eiffel, en l'espèce la chanson française, la "vieille" chanson française comme il nous l'avait précisé, celle de Vian, Brassens, Ferré, Gainsbourg et Brel auquel il rend un vibrant hommage avec une exceptionnelle interprétation du "Plat pays".

Trois morceaux présents en électrique et en spécial permettent de vérifier l'excellent travail d'écriture et d'arrangement accompli par Romain Humeau. "Sombre", avec une longue intro à la flûte byzantine et hypnotique, nous emmène dans les jardins persans chers à Shéhérazade, "Les yeux fermés" se love autour d'une guitare et "Ne respire pas" flirte avec des déluges de cordes tsiganes.

Bien sûr, impossible de renoncer totalement à l'énergie et aux décibels du rock. Ainsi si "Les écorchés" démarrent sur des cordes plaintives, les riffs de guitare ne sont pas loin et quand la batterie s'en mêle...on frôle la perfection !

A écouter sans modération donc ...et ne ratez pas leur prochaine tournée !