Comédie
dramatique de Michel Lengliney, mise en scène de Didier
Long, avec Hélène Vincent et Emilie Dequenne.
Exploratrice, Alexandra David-Néel fut la première
occidentale à rentre dans la ville de Lhassa au Tibet.
La pièce qui débute dans les années cinquante
explore les dix dernières années de ce personnage
féministe, fantasque, libre, mais aussi colérique
et autoritaire, interprété par Hélène
Vincent, qui vit désormais reclus à Digne dans
les Alpes provençales en compagnie d'une gouvernante
d'une trentaine d'année, Marie-Madeleine "Tortue",
jouée par Émilie Dequenne, fascinée par
le destin exceptionnel de sa patronne.
Les relations entre ces deux femmes s'articulent autant autour
d'un besoin réciproque que de haine et de rancœur
exacerbé par la situation de huis-clos. Alexandra David-Néel
vit dans ses souvenirs, tandis que sa gouvernante rêve
des orangeraies de son Algérie natale.
Alexandra David-Néel n'aura que peu vécu en
Occident. Lorsqu'elle revient à l'âge de 82 ans,
parlant une dizaine de langues couramment, dont le tibétain,
c'est parce que sa santé ne lui permet plus de voyager.
L'immobilité lui pèse, et pourtant elle garde
l'espoir de partir à nouveau. Tortue doit alors subir
les (mauvaises) humeurs d'Alexandra, mais elle tient tête
à ce fort caractère.
Les deux actrices sont fabuleuses. Emilie
Dequenne et Hélène Vincent ont toutes deux interprété
des personnages qui ont marqué le cinéma, réciproquement
Rosetta pour les Frères Dardenne et Mme Le Quesnoy dans
"La vie est un long fleuve tranquille" d'Etienne Chatillez.
Elles ont pourtant aussi déjà foulé les
planches avec succès, "Mademoiselle Julie"
pour Émilie Dequenne déjà sous la direction
de Didier Long, Hélène Vincent débutant
sous la direction de Patrice Chéreau dans les années
60.
Émilie Dequenne joue particulièrement sur le
registre de l'émotion.
C'est à son personnage
que revient de transmettre au spectateur les émotions;
la tristesse, la rébellion. Face à elle, Hélène
Vincent, s'impose en monstre colérique, injuste, égoïste.
Sa transformation est impressionnante en vieille femme percluse
de rhumatismes, se déplaçant avec ses cannes,
éructant de manière quasi permanente.
Le texte de Michel Langliney
est traversé de saillies et de répliques méchantes
et drôles qui enlève à cette pièce
le caractère étouffant qui aurait risqué
de la scléroser. Quant à la mise en scène
de Didier Long, elle est sobre mais
appuie cependant sur les principales caractéristiques
des personnages, la force de caractère illustrée
par la démarche d'Alexandra David-Néel, la féminité
et la douceur de Marie-Madeleine, Emilie Dequenne jouant parfois
à la limite de la lumière des projecteurs comme
pour mieux cacher ses émotions.
Il convient aussi de noter que les costumes de Tim Northam
accentue de manière discrète les personnalités
que le spectateur perçoit des deux personnages.
Cette pièce est annoncée comme une des pièces
à voir en ce début d'année 2010. Tous les
ingrédients sont en tout cas réunis pour qu'elle
soit un succès, et c'est durant plusieurs minutes que
les deux actrices ont été applaudies à
l'issue de la première représentation. |